Les accidents vasculaires cérébraux constituent un groupe de pathologie d’étiologies très différentes et de physiopathologie hétérogène. Bien qu’en déterminer la cause peut parfois s’avérer difficile, il s’agit d’un élément indispensable dans la prise en charge des patients. Les causes principales sont : l’atteinte athéromateuse des gros vaisseaux, cardio-embolique, l’atteinte des petits vaisseaux et « les autres causes » de type dissection ou vascularite. 20 à 50% des AVC restent de cause indéterminée. Les AVC cryptogéniques ou AVC embolique de cause indéterminée (ESUS) représentent 25% des AVC ischémiques.

 

Le diagnostic D’AVC Cryptogénique repose sur les critères suivants :

– AVC visualisé au scanner ou à l’IRM cérébrale n’étant pas une lacune
– L’absence d’athérosclérose des artères extra ou intracrâniennes responsable d’une sténose de plus de 50% ou d’une occlusion des artères vascularisant le territoire ischémié
– L’absence d’embolie potentiellement de source cardio-embolique selon les antécédents, l’électrocardiogramme, l’échographie cardiaque et un holter ECG > 24 heures
– L’absence d’autre cause spécifi que d’AVC ischémique (ex : artérite, dissection, migraine, vasopasme, drogue)

 

Les méthodes d’exploration étiologiques doivent comprendre :

– Imagerie cérébrale
– Imagerie des vaisseaux extra et intracrâniens
– Echographie cardiaque transthoracique +/- transoesophagienne
– Holter ECG sur 24h, ECG
– Bilan biologique (glycémie, bilan lipidique, NFS)

 

 

Etiologies (Sources emboliques potentielles à considérer dans le cadre d’un ESUS d’après Hart et al. Lancet Neurol 2014)

Sources cardio-emboliques :

  • Valve Mitrale :
    – Dégénérescence myxoïde avec prolapsus
    – Calcifications de l’anneau mitral
  • Valve aortique :
    – Rétrécissement aortique
    – Calcifications valvulaires aortiques
  • Anomalies structurelles atriales :
    – Foramen ovale perméable
    – Anévrysme du septum interauriculaire
    – Réseau du Chiari
  • Troubles du rythme et stase :
    – Asystolie atriale, maladie du sinus
    – Tachycardie atriale
    – Contraste spontané ou diminution de vélocité du flux au sein de l’auricule gauche
  • Anomalies du ventricule gauche :
    – Dysfonction systolique ou diastolique modérée, globale ou segmentaire
    – Non compaction du ventricule gauche
    – Fibrose endomyocardique

 

Fibrillation atriale occulte

Sources emboliques associées au cancer :

  • Endocardite thrombotique non bactérienne
  • Embolie tumorale (cancer occulte)

Sources emboliques artérielles :

  • Plaques athéroscléreuses de l’arche aortique
  • Plaques non sténosantes, ulcérées, des artères à destinée cérébrale

Embolie paradoxale :

  • Foramen ovale perméable
  • Communication interauriculaire
  • Fistule artério-veineuse pulmonaire

 

AVC cryptogénique et anticoagulation

Sur la base d’une physiopathologie thrombo-embolique de l’AVC dans l’ESUS, il a été suggéré que le traitement anticoagulant serait plus effi cace que le traitement par anti-agrégant plaquettaire ce qui n’a pas été démontré dans les études NAVIGATE-ESUS1 comparant rivaroxaban versus aspirine (New Approach Rivaroxaban Inhibition of Factor Xa in a Global Trial vs ASA to Prevent Embolism in Embolic Stroke of Undetermined Source) ou RESPECT-ESUS2 comparant dabigatran versus aspirine (Randomized, Double-Blind, Evaluation in Secondary Stroke Prevention Comparing the Effi cacy and Safety of the Oral Thrombin Inhibitor Dabigatran Etexilate vs Acetylsalicylic Acid in Patients with Embolic Stroke of Undetermined Source), avec un surrisque hémorragique dans l’étude NAVIGATE qui a conduit à un arrêt prématuré de l’essai. Ces résultats peuvent s’expliquer par des critères d’inclusion très large et l’hétérogénéité des étiologies d’ESUS. Deux autres études sont en cours et testent l’apixaban dans cette indication.
Le diagnostic d’ESUS peut être porté par excès si on n’a pas traqué la fibrillation auriculaire. Un holter ECG de 24h est indispensable, voire de longue durée ou un holter implantable dans le cas où les patients présentent au moins deux facteurs de risque de faire de la fibrillation auriculaire (Insuffisance cardiaque congestive, hypertension artérielle non contrôlée, diabète non contrôlé, présence d’une cardiopathie sous-jacente, obésité, hyperexcitabilité atriale documentée, insuffisance respiratoire chronique, pathologie de la glande thyroïde).
La deuxième étiologie à rechercher systématiquement est la présence d’un foramen ovale perméable associé ou non à un anévrysme du septum inter auriculaire.
L’évaluation échographique ETT/ETO est donc indispensable. L’ETT permet en général une meilleure réalisation de la manœuvre de Valsalva et d’avoir une évaluation globale des différentes cavités cardiaques. L’ETO permet de mesurer plus précisément qu’en ETT la taille d’un ASIA et du FOP, ainsi que l’importance du shunt, de visualiser directement le FOP et d’apprécier la taille et la morphologie du FOP. Les indications de fermeture sont bien définies : âge <=60 ans, ESUS < 6 mois, FOP ASIA, ou FOP avec un shunt important (défini selon les études par le passage de > 30 microbulles) ou un FOP large (>= 2 mm)3 .

 

Conclusion

 

Le diagnostic d’ESUS comme son nom l’indique comprend des étiologies indéterminées dans le diagnostic d’AVC ischémique, ce qui pose le problème de prise en charge thérapeutique des patients. La fibrillation auriculaire occulte est l’étiologie la plus fréquente et augmenter la durée d’enregistrement des holters permet d’objectiver plus de FA. Il faut cependant garder à l’esprit de ne pas surdiagnostiquer des FA et d’attribuer des salves courtes à l’AVC ischémique. Un traitement anticoagulant à l’aveugle augmente le surrisque hémorragique. Par ailleurs, orienter précisément les patients ayant les critères de fermeture d’un FOP permet de diminuer les risques de récidive des AVC.
Mais ne vaut-il pas mieux pousser plus loin les investigations et rechercher une étiologie plus précise dont le traitement en découlerait que de s’arrêter au diagnostic d’ESUS ?

 

 

Caroline Chong Nguyen, Paris

RÉFÉRENCES
1. Robert G Hart, Mukul Sharma, Hardi Mundl et al. Rivaroxaban for Stroke Prevention after Embolic Stroke of Undetermined Source. N Engl J Med. 2018 Jun 7;378(23):2191-2201.
2. Diener HC, Sacco RL, Easton JD, et al. Dabigatran for Prevention of Stroke after Embolic Stroke of Undetermined Source. N Engl J Med. 2019 May 16; 380(20):1906-1917.
3. Mas JL, Derumeaux G, Amarenco P, et al. CLOSE: closure of patent foramen ovale, oral anticoagulants or antiplatelet therapy to prevent stroke recurrence: study design. Int J Stroke 2016;11:724-732

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