Communication orale présentée par le Pr. Peter LIBBY (Boston, États-Unis) Lors de la conférence américaine des Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (eJESFC) cette année, c’est une véritable légende de la recherche cardiovasculaire, le Pr Peter Libby (Boston), qui a présenté la synthèse actuelle d’un nouveau facteur de risque cardiovasculaire : l’hématopoïèse clonale.

 

Tout d’abord, il est important de rappeler le lien étroit déjà décrit entre l’inflammation et le caractère actif de l’athérosclérose majorant le risque de rupture de plaque, puis de constitution du thrombus au contact de la plaque rompue à l’origine du syndrome coronaire aigu.

 

De plus, comme nous l’a rappelé Peter Libby, de nombreux travaux ont déjà montré que les principaux facteurs de risque cardiovasculaire clinique comme le tabac, l’hypertension artérielle ou encore le diabète agissent sur l’histoire naturelle de l’athérosclérose par des mécanismes impliquant des réactions inflammatoires locales et/ou systémiques.
Ainsi, depuis plusieurs années, de nombreuses équipes de recherche travaillent sur des cibles thérapeutiques touchant à ce système inflammatoire. On peut ainsi, rappeler les résultats impressionnants de l’étude CANTOS évaluant le canakinumab, un antagoniste de l’interleukine-1 bêta, et qui a permis une réduction du risque d’évènements cardiovasculaires majeurs chez des patients coronariens connus en prévention secondaire. En effet, comme le suggère une review récemment publiée par Peter Libby dans le JACC, l’interleukine-1 bêta est probablement l’une des cibles thérapeutiques les plus prometteuses dans la prévention de l’athérosclérose, car intervient directement avec l’interleukine-6, bien connue comme le fer de lance de l’inflammation impliquée dans le cadre de ces plaques coronaires vulnérables.
Au-delà de ces facteurs de risque traditionnels, des études ont récemment suggéré l’importance de l’hématopoïèse clonale à potentiel indéterminé (CHIP) comme un facteur de risque indépendant d’évènements cardiovasculaires (infarctus du myocarde, AVC et hospitalisation ou insuffisance cardiaque).

 

Pour comprendre, il faut savoir que la présence de CHIP, décrite essentiellement chez des sujets âgés, résulte de l’acquisition de mutations somatiques dans un petit nombre de gènes présents dans les cellules souches de la moelle osseuse, conduisant à l’expansion des clones de leucocytes dans le sang périphérique. Il s’agit en réalité de gènes déjà bien connus dans la physiopathologie de certaines leucémies. Ainsi, il est donc capital de souligner le lien très fort entre la présence de CHIP et l’âge du patient. Il s’agit avant tout d’un phénomène lié au vieillissement de la moelle osseuse des patients.
L’association entre CHIP et maladie cardiovasculaire implique probablement l’activation de différentes voies de l’inflammation par l’activation de certains gènes de l’inflammation bien connus, majorant ainsi le risque de rupture de plaque. De plus, Peter Libby a insisté sur le fait qu’il existe déjà des moyens techniques de séquençage d’ADN utilisables en routine chez les patients à haut risques permettant d’identifier la présence de CHIP.
C’est un point capital permettant d’imaginer la recherche de CHIP comme un outil de stratification du risque cardiovasculaire aidant à sélectionner les patients qui bénéficieront le mieux, des nouvelles thérapeutiques ciblant l’inflammation comme le canakinumab, par exemple.

Au final, cette communication orale met l’accent sur une médecine de plus en plus personnalisée dans la stratification du risque cardiovasculaire. En effet, la détection de CHIP s’intègre dans une stratégie globale comprenant la prise en compte des facteurs de risque traditionnels, des comorbidités et de l’espérance de vie du patient. Cette stratification du risque de plus en plus performante constitue un outil indispensable pour guider le choix thérapeutique du patient. En effet, au-delà de la revascularisation coronaire et du traitement « BASIC » du patient coronarien, de nouvelles thérapies émergent ciblant l’inflammation (étude CANTOS…) ou encore l’hémostase (étude COMPASS…) offrant un espoir supplémentaire pour nos patients.

 

Théo Pezel, Baltimore

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