Contexte

Les récentes recommandations de l’ESC de 2019 ont permis de définir une nouvelle entité : le syndrome coronaire chronique. Il s’agit d’une forme chronique d’expression de la maladie coronaire incluant notamment le patient présentant des symptômes angineux dits stables.
Ces patients présentent de l’angor seulement à l’effort, par épisodes de moins de 20 minutes, depuis plus de 2 mois sans aggravation crescendo. Dans le cas contraire, il s’agit d’angor instable.

Dans ce cadre, la prise en charge cardiologique a principalement deux objectifs :

  • Améliorer la “quantité” de vie : soit diminuer le risque d’infarctus du myocarde et le taux de mortalité
  • Améliorer la “qualité” de vie : donc améliorer les symptômes ischémiques et donc la fréquence, l’intensité des symptômes angineux.

 

Mortalité et infarctus du myocarde

La diminution du taux d’infarctus du myocarde et du taux de mortalité dans l’angor stable a été étudié dans plusieurs études. En 2005, une méta analyse de 11 essais randomisés montrait l’absence d’effet significatifs de l’angioplastie dans l’angor stable en termes de décès, infarctus du myocarde ou revascularisation en urgence. * En 2007, l’essai COURAGE1 démontrait également l’absence de supériorité de l’angioplastie par rapport au traitement médical seul, et cela tout au long du suivi jusqu’à 7 ans après la réalisation de l’angioplastie.
Un deuxième essai réalisé dans une sous population de patients diabétiques, l’étude BARI-2D, montrait également l’absence de bénéfice de l’angioplastie sur le pronostic à long terme (absence d’événement cardiovasculaire majeur à 5 ans).2 Une troisième étude a testé une autre stratégie en incluant les patients après la réalisation de la coronarographie.3
Ainsi, seuls les patients avec une FFR positive étaient randomisés aléatoirement entre angioplastie ou traitement médical seul. Dans ce contexte, on retrouvait une diminution significative du critère composite incluant mortalité, infarctus du myocarde ou revascularisation urgente à 5 ans dans le groupe angioplastie. Cependant, cette étude comporte un biais majeur : en effet, seules les lésions avec FFR positive non encore revascularisées étaient randomisées. L’opérateur pouvait donc choisir de revasculariser les lésions menaçantes sans randomiser le patient, excluant les lésions les plus sévères de la randomisation.
Dans les suites de ces différentes études, une nouvelle question a donc émergé. Puisque chez le patient porteur d’un angor stable, il ne semble pas y avoir de bénéfice à la revascularisation par angioplastie, y a-t-il même un intérêt à la réalisation d’une coronarographie ? C’est la question à laquelle a tenté de répondre l’étude ISCHEMIA4 , une étude randomisée multicentrique qui incluait les patients porteurs d’un angor stable avec ischémie modérée à sévère. Les patients bénéficiaient aléatoirement d’une coronarographie ou d’un traitement médical. Le critère primaire incluait le décès de cause cardiovasculaire, l’infarctus du myocarde, l’hospitalisation pour angor instable, l’insuffisance cardiaque ou l’arrêt cardiaque récupéré. A noter qu’un coroscanner était réalisé chez tous les patients afin d’exclure une atteinte du tronc commun. Les résultats après 5 ans de suivi de cette étude n’ont à nouveau pas montré de différence entre le groupe coronarographie ou le groupe traitement médical optimal seul.
Les critères secondaires de décès ou infarctus du myocarde, décès toute cause, angor instable, arrêt cardiorespiratoire, accident vasculaire cérébral étaient tous non significatif. Ces résultats étaient similaires quels que soient la sévérité de l’ischémie, l’extension de la maladie coronaire et son caractère proximal. Ainsi, il semble exister très peu de place pour la revascularisation par angioplastie dans l’angor stable pour améliorer le pronostic des patients.

 

Quid des sous-groupes ?

Néanmoins, il existe un sous-groupe dans lequel la prise en charge invasive semble montrer un bénéfice. Il s’agit des patients porteurs d’une insuffisance cardiaque clinique ou d’une dysfonction ventriculaire gauche. Parmi ces patients, on retrouve une amélioration du pronostic dans le groupe angioplastie.5
Dans le sous-groupe des patients avec une insuffisance rénale terminale ou dialysée, il n’était pas retrouvé de différence sur le décès ou l’infarctus du myocarde. La seule différence retrouvée était une incidence accrue des AVC dans le groupe angioplastie.6

 

Symptômes et qualité de vie

En l’absence d’amélioration prouvée de l’angioplastie sur les critères durs que sont la mortalité et le taux d’infarctus du myocarde, une autre piste est l’amélioration de la qualité de vie. Cette amélioration peut se faire notamment par la diminution de la fréquence et de l’intensité de l’angor. Plusieurs essais ont montré une diminution de l’intensité des symptômes angineux après angioplastie jusqu’à 2 ans après le geste, d’autant plus que l’angor initial était intense.7
Pourtant, en 2017, l’étude ORBITA remet en cause le bénéfice supposé de l’angioplastie en mettant en exergue un effet placebo de la coronarographie dans l’angor stable.8
Ce résultat est appuyé par une autre étude qui montrait que l’angor s’améliore spontanément dans un grand nombre de cas.9
En double aveugle, on ne constate pas d’amélioration de l’angor, de la capacité d’effort.8
Ces résultats suggèrent donc un effet placebo au moins partiel dans les bénéfices fonctionnels de la revascularisation chez ces patients.

 

Chez le patient asymptomatique

Au total, si la revascularisation par angioplastie a pour but d’améliorer les symptômes du patient coronarien stable, a-t-elle une place chez le patient asymptomatique ? par exemple, si l’on considère un patient asymptomatique qui bénéficie d’un bilan cardiologique retrouvant un score calcique élevé au coroscanner conduisant à une coronarographie puis à une angioplastie. Dans ce contexte, il n’y a aucune preuve que la revascularisation systématique de lésions coronaires incidentes améliore le pronostic ou la qualité de vie.

 

Conclusion

La maladie coronaire stable, nouvellement appelée syndrome coronaire chronique, a un bon pronostic sous traitement médical avec un taux de 3,5% environ d’événements cardiovasculaires par an. La revascularisation n’a jusqu’alors jamais prouvé de réduction du risque de décès ou d’infarctus du myocarde sauf atteinte du tronc coronaire gauche. Ce résultat est cependant à nuancer dans le sous-groupe des patients avec dysfonction ventriculaire gauche ou insuffisance cardiaque clinique.
En parallèle, la revascularisation améliore la qualité de vie des patients très symptomatiques. Une partie de ce bénéfice semble être expliqué également par un effet placebo de la coronarographie.
Il en résulte donc que les recommandations de l’ESC 2019 sur le syndrome coronaire chronique préconisent un traitement médical optimal pour la réduction des symptômes avec une revascularisation à considérer en association avec le traitement médical sans jamais le supplanter, en tant que traitement de 2e ligne en cas d’échec du traitement médical.

 

 

 

Orianne Weizman, Nancy

RÉFÉRENCES
1. Boden WE, O’Rourke RA, Teo KK, Hartigan PM, Maron DJ, Kostuk WJ, et al. Optimal Medical Therapy with or without PCI for Stable Coronary Disease. N Engl J Med. 12 avr 2007;356(15):1503-16.
2. A Randomized Trial of Therapies for Type 2 Diabetes and Coronary Artery Disease. N Engl J Med. 11 juin 2009;360(24):2503-15.
3. Xaplanteris P, Fournier S, Pijls NHJ, Fearon WF, Barbato E, Tonino PAL, et al. Five-Year Outcomes with PCI Guided by Fractional Flow Reserve. N Engl J Med. 19 juill 2018;379(3):250-9.
4. Maron DJ, Hochman JS, Reynolds HR, Bangalore S, O’Brien SM, Boden WE, et al. Initial Invasive or Conservative Strategy for Stable Coronary Disease. N Engl J Med. 9 avr 2020;382(15):1395-407.
5. Lopes RD, Alexander KP, Stevens SR, Reynolds HR, Stone GW, Piña IL, et al. Initial Invasive Versus Conservative Management of Stable Ischemic Heart Disease in Patients With a History of Heart Failure or Left Ventricular Dysfunction: Insights From the ISCHEMIA Trial. Circulation. 3 nov 2020;142(18):1725-35.
6. Bangalore S, Maron DJ, O’Brien SM, Fleg JL, Kretov EI, Briguori C, et al. Management of Coronary Disease in Patients with Advanced Kidney Disease. N Engl J Med. 23 avr 2020;382(17):1608-18.
7. Spertus JA, Jones PG, Maron DJ, O’Brien SM, Reynolds HR, Rosenberg Y, et al. Health-Status Outcomes with Invasive or Conservative Care in Coronary Disease. N Engl J Med. 9 avr 2020;382(15):1408-19.
8. Al-Lamee R, Thompson D, Dehbi H-M, Sen S, Tang K, Davies J, et al. Percutaneous coronary intervention in stable angina (ORBITA): a double-blind, randomised controlled trial. The Lancet. janv 2018;391(10115):31-40.
9. Kosiborod M, Arnold SV, Spertus JA, McGuire DK, Li Y, Yue P, et al. Evaluation of ranolazine in patients with type 2 diabetes mellitus and chronic stable angina: results from the TERISA randomized clinical trial (Type 2 Diabetes Evaluation of Ranolazine in Subjects With Orianne Weizman, CHU, Nancy, Chronic Stable Angina). J Am Coll Cardiol. 21 mai 2013;61(20):2038-45. *(https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15927966/)

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