Yves Juillière nous a quittés. C’est une perte considérable pour la cardiologie française. A titre personnel, une très grande tristesse. Nous nous connaissions depuis l’internat et Yves était pour moi comme un jeune frère. Ensemble, au cours de plus de 40 ans, nous avons partagé des aventures enthousiasmantes, des périodes de tension, comme il arrive dans les familles, mais toujours une profonde affection.

 

 

Comment définir Yves en quelques mots : une énergie indomptable, une grande sensibilité, dissimulée derrière un caractère entier, parfois explosif ; une très grande fidélité en amitié ; et un sens moral qui lui faisait voir l’humanité en deux groupes, complètement indépendants toute considération professionnelle ou sociale, les gens « biens » et les autres, avec lesquels il pouvait être impitoyable. Professionnellement, c’était un vrai médecin, qui avait le souci de ses patients, qui lui étaient extrêmement attachés (je peux en témoigner directement car il suivait le parcours cardiologique de mes vieux parents) ; dans une discipline qui a connu des évolutions majeures au cours des dernières décennies, il savait prendre ses distances avec les phénomènes de mode (parfois même un peu trop : dans les débuts de l’angioplastie, il a longtemps considéré que poser un stent était un geste insensé), pour en rester à l’essentiel, aux fondamentaux. En dehors de la maladie coronaire et de l’insuffisance cardiaque, ses deux axes privilégiés en cardiologie, il portait un intérêt particulier à l’éthique médicale et aux questions légales (il était titulaire d’une maîtrise en Droit Public). Son engagement dans la Société Française de Cardiologie, à son image, a été intense ; il en a été Président de 2014 à 2016 et il a su imprimer son style non conventionnel à une Société qui n’était pas toujours un modèle de décontraction.

L’année dernière, il était devenu Rédacteur en Chef des Archives of Cardiovascular Diseases, après en avoir été rédacteur en chef adjoint. Il avait aussi rejoint l’équipe rédactionnelle de Consensus Cardio, puis de CORDIAM dès leur création, sachant toujours faire partager son enthousiasme et sa vision critique des choses aux membres du comité éditorial. A toutes celles et tous ceux auprès desquels il a travaillé, il aura laissé le souvenir extrêmement fort d’une personnalité particulièrement attachante, au regard souvent pétillant et amusé, parfois plus sombre.

 

Mais Yves, ce n’était pas que la cardiologie, c’était aussi l’amateur de sport : les matchs de foot, essentiellement comme spectateur, la pratique de la course à pied, jusqu’au marathon, mais aussi bien sûr l’œnologie, et je me souviens des rendez-vous du mercredi soir où se réunissaient les experts (dont je ne faisais malheureusement pas partie) faisant assaut d’érudition en goûtant des trésors venus de Bourgogne, d’Alsace ou d’ailleurs. On pourrait aussi citer sa passion pour la bande dessinée, avec des milliers d’albums dans sa bibliothèque.

 

 

Au cours des derniers mois, il a fait preuve d’un courage véritablement extraordinaire, admirable, continuant à travailler sans relâche malgré les souffrances d’une maladie dont il savait que l’issue était inexorable. Cette lucidité « cash » face à la maladie a été une aide considérable pour tous ses proches.

A Véronique, son épouse et à Thomas, son fils, je souhaite exprimer mon affection et les condoléances de tout le Comité Editorial de la revue.

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