SODIUM HF – RÉDUCTION DU SODIUM ALIMENTAIRE À MOINS DE 100 MMOL DANS L’INSUFFISANCE CARDIAQUE (SODIUM-HF) : UN ESSAI INTERNATIONAL, OUVERT, RANDOMISÉ ET CONTRÔLÉ. 

STUDY OF DIETARY INTERVENTION UNDER 100 MMOL IN HEART FAILURE.

 

Contexte et hypothèse  

 

Les recommandations concernant le régime alimentaire sont utilisées dans la pratique clinique dans la prise en charge de tous les stades de l’insuffisance cardiaque. L’insuffisance cardiaque est associée à une activation neurohormonale et à des anomalies du contrôle autonome qui conduisent à une rétention de sodium et d’eau. Ainsi, la restriction alimentaire du sodium a toujours été considérée comme un mécanisme permettant de prévenir la surcharge liquidienne et les résultats cliniques qui en découlent mais les données sont divergentes.  

L’essai SODIUM-HF évalue les effets de la réduction du sodium alimentaire sur les résultats cliniques dans une population souffrant d’insuffisance cardiaque pour vérifier si une réduction du sodium alimentaire diminuait ou non les admissions à l’hôpital liées aux maladies cardiovasculaires, les visites aux urgences liées aux maladies cardiovasculaires et la mortalité toutes causes confondues dans les 12 mois, et si elle améliorait la qualité de vie, la classe fonctionnelle de la New York Heart Association (NYHA) et la distance de marche de 6 minutes.

 

Critères d’inclusion  

 

Les participants ont été recrutés dans 26 sites dans six pays (Australie, Canada, Chili, Colombie, Mexique et Nouvelle-Zélande). Les participants éligibles étaient âgés de 18 ans ou plus, souffraient d’insuffisance cardiaque chronique (définie par la classe fonctionnelle NYHA 2-3) et recevaient un traitement médical orienté par les directives et toléré de manière optimale. Le diagnostic d’insuffisance cardiaque chronique était déterminé par les directives cliniques locales et par des cliniciens expérimentés et compétents en matière de diagnostic et de traitement de l’insuffisance cardiaque quelle que soit la fraction d’éjection du ventricule gauche. 

Les critères d’exclusion comprenaient un apport alimentaire moyen de moins de 1500 mg/jour de sodium, une natrémie inférieure à 130 mmol/L, un débit de filtration glomérulaire estimé inférieur à 20 ml/min par 1,73 m2 ou une insuffisance rénale dépendant de l’hémodialyse, et une admission à l’hôpital pour une cause cardiovasculaire au cours du mois précédent. 

 

Plan d’étude et traitements étudiés

 

SODIUM-HF était un essai pragmatique, multinational, ouvert et randomisé. 

 

Critères de jugement  

 

Le critère de jugement primaire est un critère composite comprenant l’hospitalisation liée à une maladie cardiovasculaire, une visite aux urgences liée à une maladie cardiovasculaire et un décès toutes causes confondues dans les 12 mois suivant la randomisation. 

 

Les critères d’évaluation secondaires sont : 

  • le délai avant le premier événement dans le type d’événement (c’est-à-dire les composants individuels du critère d’évaluation composite primaire : la mortalité toutes causes confondues, l’hospitalisation d’origine cardiovasculaire et les visites aux urgences d’origine cardiovasculaire) dans les 12 mois et les 24 mois (les données à 24 mois n’étant pas disponibles pour tous les patients, seules les données à 12 mois sont rapportées ici) ; 
  • la qualité de vie mesurée par le score global du Kansas City Cardiomyopathy Questionnaire (KCCQ), le score de synthèse clinique et le score de limitation physique ;
  •  la modification de la distance de marche de 6 minutes et la modification de la classe fonctionnelle NYHA, toutes ces données étant exprimées en tant que changement entre le début de l’étude et les 12 mois

 

Taille de l’échantillon et hypothèses statistiques  

 

Nous avons déterminé la taille de l’échantillon en utilisant le résultat composite primaire. Nous avons estimé qu’un essai incluant 992 patients aurait une puissance de 80 % pour détecter une réduction de 30 % de l’issue primaire dans le groupe soumis à un régime pauvre en sodium, par rapport à un taux d’événements supposé de 25 % dans le groupe recevant les soins habituels, et avec un taux d’erreur bilatéral de type 1 de 0,05.

 

Population  

 

Entre le 24 mars 2014 et le 9 décembre 2020, 806 patients ont été recrutés et assignés au hasard à un régime pauvre en sodium (n=397) ou aux soins habituels (n=409 ; Figure 1). Les caractéristiques basales sont comparables entre les groupes (Tableau 1). 

 

 

L’âge médian est de 67 ans (IQR 58-74) et 268 (33%) sont des femmes et 538 (66%) des hommes. 551 (68%) des 806 patients souffrent d’insuffisance cardiaque depuis au moins un an avant leur inscription, 270 (33%) ont été admis à l’hôpital en raison d’une insuffisance cardiaque au cours des 12 derniers mois, et la fraction d’éjection médiane est de 36% (IQR 27-49). Chez les 325 patients ayant fait l’objet d’une mesure du peptide natriurétique dans les 90 jours précédant le recrutement, la médiane du peptide natriurétique de type B (BNP) est de 197 pg/mL (IQR 83-492) et la médiane du proBNP N-terminal (NTproBNP) est de 801 pg/mL (IQR 335-1552). Lors de la randomisation, 649 (81%) des 806 patients ont reçu un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, un bloqueur des récepteurs de l’angiotensine ou du sacubitril-valsartan, 702 (87%) un ß-bloqueur et 461 (57%) un antagoniste des récepteurs minéralocorticoïdes.  

 

Résultats

 

Critère de jugement principal 

 

Dans les 12 mois, le critère de jugement principal est survenu chez 60 (15%) des 397 patients du groupe de régime pauvre en sodium et 70 (17%) des 409 patients du groupe de soins habituels (HR 0,89 [95% CI 0,63-1,26] ; p=0,53 ; Figure 2A, Tableau 2. 

 

 

Critères secondaires 

L’hospitalisation pour cause cardiovasculaire est survenue chez 40 (10 %) des patients du groupe de régime pauvre en sodium et chez 51 (12 %) des patients du groupe de soins habituels (HR 0,82 [0,54-1,24] ; p=0,36), et des visites aux urgences liées à des problèmes cardiovasculaires ont eu lieu chez 17 (4 %) des patients du groupe de régime pauvre en sodium et 15 (4 %) des patients du groupe de soins habituels (HR 1,21 [0,60-2,41] ; p=0-60 ; Figure 2B, 2C, w2D, Tableau 2). L’augmentation du score global, du score clinique et du score de limitation physique du KCCQ était significativement plus importante dans le groupe ayant suivi le régime pauvre en sodium que dans le groupe recevant les soins habituels entre le début de l’étude et le 12e mois.

 

Mortalité totale 

Le décès toutes causes confondues est survenu chez 22 (6 %) des patients du groupe de régime pauvre en sodium et chez 17 (4 %) des patients du groupe de soins habituels (HR 1,38 [0,73-2,60] ; p=0,32).

 

 

 

Conclusion

 

Chez les patients ambulatoires souffrant d’insuffisance cardiaque, une stratégie visant à réduire l’apport en sodium alimentaire à moins de 1500 mg par jour n’était pas plus efficace que les soins habituels pour réduire le risque d’hospitalisation ou de visites aux urgences pour des causes cardiovasculaires ou de décès toutes causes confondues. 

Tout d’abord, il n’y a pas eu de différence dans le résultat clinique du critère composite au cours de la période de suivi de 12 mois parmi les patients souffrant d’insuffisance cardiaque qui présentent un risque modéré d’événements cliniques à court terme ; un suivi à plus long terme (c.-à-d. > 12 mois) pourrait ou non identifier des différences plus importantes parce qu’une stratégie de réduction du sodium alimentaire nécessiterait un temps plus long avant d’observer une efficacité. Ensuite, un bénéfice modéré sur la qualité de vie est observé, telle que mesurée par le KCCQ, et sur la classe fonctionnelle NYHA, et ces résultats sont cohérents dans les analyses stratifiées par sexe. La mise en place d’une stratégie de consommation de sodium alimentaire à grande échelle ne semble au vu de ces résultats pas justifiée.

 

Caroline Nguyen, Paris

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