Colère, sel et fruits !

Deux publications récentes me font réagir. 

La première, avec un mélange d’exaspération et de découragement. L’étude allemande DISCHARGE procède d’une philosophie louable : elle cherche en effet à déterminer si une méthode de prise en charge diagnostique des douleurs thoraciques, le coro-scanner, aboutit, pour les patients, à un meilleur devenir clinique à moyen terme que la méthode diagnostique de référence qu’est la coronarographie. Je vous la fais courte : après 3,5 ans de suivi, les deux méthodes donnent des résultats qui ne diffèrent pas significativement (événements cardiaques majeurs 2,1 % et 3,0 %, respectivement). Jusque-là, tout va bien. Mais les choses se compliquent quand on regarde la description de la population ayant participé à l’étude : seuls 14 % avaient un angor jugé typique, et 37 % ont été inclus alors qu’ils présentaient des douleurs « non angineuses ». Un tiers seulement ont eu une recherche d’ischémie par un test fonctionnel, avec ou sans imagerie. En conséquence, 50 % des patients du groupe coronarographie et un tiers du groupe coro-scanner avaient un examen normal. L’étude est publiée dans le New England Journal of Medicine, et l’éditorial d’accompagnement ne relève pas la particularité majeure de cet essai : l’abandon de toute réflexion diagnostique, au profit du passage direct à un examen d’imagerie. Si la médecine s’engage dans cette voie, nul doute que les médecins seront très prochainement remplacés par des outils d’intelligence artificielle, qui deviendront vite plus performants qu’eux ! Notre nouveau ministre peut se réjouir, d’ici la fi n du quinquennat, il n’y aura plus besoin de médecins du tout !

La seconde, avec plus d’enthousiasme : il s’agit d’une étude évaluant les effets du régime proposé par l’essai DASH (Dietary Patterns, Sodium Intake, and Blood Pressure), dont les résultats avaient été publiés en 1997 dans le même New England Journal of Medicine. Dans l’essai DASH, trois régimes alimentaires étaient comparés chez des sujets dont la pression artérielle initiale ne dépassait pas 160 mm Hg : un régime « américain » typique, un régime enrichi en fruits et légumes, et un régime enrichi en fruits et légumes et appauvri en graisses saturées. Par rapport au régime américain, le régime fruits et légumes a permis de réduire la pression systolique de 7 mm Hg, et le régime combiné a permis une réduction supplémentaire de 4 mm Hg. Vingt-cinq ans plus tard, donc, une nouvelle étude bâtie sur ces fondations compare le régime DASH et un régime contrôle classique dans deux groupes tirés au sort, et, au sein de chaque groupe, évalue successivement l’impact de trois niveaux d’apport en sodium. Les données ont ensuite été analysées en fonction de la pression artérielle initiale (de < 130 mm Hg à 150-159 mm Hg). A l’intérieur de chaque groupe (DASH ou contrôle), la réduction de l’apport en sodium s’accompagne d’une réduction des chiffres de pression artérielle, d’autant plus importante que leur niveau initial est élevé. Réciproquement, quand les apports en sodium sont élevés, le régime DASH est associé à une réduction nette de la pression systolique, par rapport au régime contrôle ; quand les apports en sodium sont faibles, en revanche, les résultats sont moins nets, avec une baisse de la pression artérielle essentiellement retrouvée dans le groupe ayant une pression initiale ≥ 150 mm Hg.

J’aime bien cette étude pour deux raisons : elle montre qu’un concept ancien peut rester à l’ordre du jour après 25 ans, et elle confirme qu’un régime alimentaire approprié, tel que recommandé par les autorités de santé, peut vraiment avoir un impact cardiovasculaire favorable. Et en plus, pour la fin de l’été, vous allez pouvoir vous lâcher sur les fruits et légumes, mais sans trop saler vos poissons !

Nicolas Danchin

Liens d’intérêt (10 dernières années) :
Subventions de recherche : Amgen, Astra-Zeneca, Bayer, Intercept, Eli-Lilly, MSD, Pfizer, Sanofi .
Honoraires pour conférences/consultance/études : Amgen, Astra-Zeneca, Bayer, BMS, Boehringer-Ingelheim, Daiichi Sankyo, Lilly, MSD, Novartis, Novo-Nordisk, Pfizer, Sanofi , Servier, UCB, Vifor.

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