13 ÉMU ET MON MYSTÈRE
Victor Brauner (1909-1966)
Gouache. 65×49,5 cm. 1936
“Ma peinture est autobiographique. J’y raconte ma vie. Ma vie est exemplaire parce qu’elle est universelle. Elle raconte les rêveries primitives dans leur forme et dans leur temps”.
Ainsi s’exprimait Victor Brauner, peintre et sculpteur d’origine roumaine qui traversa toutes les avant-gardes du XXe siècle : expressionisme, constructivisme, dadaïsme puis surréalisme, mouvement auquel il adhère à partir de 1932 avant son installation définitive en France en 1938. Il va rencontrer de nombreux membres de l’importante communauté artistique roumaine, fréquente Constantin Brancusi, Eugène Ionesco, Jules Perahim, Tristan Tzara… C’est Yves Tanguy qui va l’introduire auprès des surréalistes français et en particulier d’André Breton. Le musée d’Art moderne de Paris lui a consacré en 2021 une importante monographie intitulée “Je suis le rêve, je suis l’inspiration”. En effet, l’inconscient, le rêve, l’érotisme occupent une place majeure dans son travail.
Il participe avec André Breton, André Masson, Max Ernst à création du jeu de Marseille, dérivé du Tarot qui sera publié en 1943.
Son initiation au spiritisme dans l’enfance par son père explique son penchant pour la divination et la prophétie qui occupent une place importante dans son processus créateur. En 1931 il peint son fameux autoportrait sur le thème de l’énucléation et de l’œil arraché, alors que plusieurs années plus tard, en 1938, il perdra son œil gauche au cours d’une rixe.
“13 ému et mon mystère” est le nom de cette énigmatique gouache réalisée en 1936. Elle a appartenu au marchand d’art André-Francis Petit, grand connaisseur et collectionneur avisé du surréalisme. Fleur, arbre, visage en forme de coeur, exemple d’hybridation ? Six bouches aux lèvres pulpeuses, sensuelles et colorées transmettent leur message d’amour universel alors que le titre de l’oeuvre, jeu de mots inspiré du dadaïsme, est inscrit sur les feuilles en forme de coeur. Une grande simplicité caractérise cette gouache noire sur un fond beige uni.
L’absence de relief et de perspective ne nuit pas à l’évocation du rêve, du végétal et de l’humain, de l’amour sacré plus que l’érotisme, d’un monde merveilleux.
Dans nombre de ses autres tableaux beaucoup plus angoissants et sombres se lisent sa blessure originale, la guerre, la faim, le dénuement qu’il aura subi au cours des premières années de sa vie en Roumanie.
Sur sa tombe du cimetière de Montparnasse est inscrite cette épitaphe “Pour moi peindre, c’est la vie, la vraie vie, MA VIE.