Artificielle, sans doute, mais vraiment intelligente ?
Nous sommes submergés de commentaires inquiets ou amusés sur l’arrivée sur nos téléphones portables et nos ordinateurs de ChatGPT et de ses clones, qui rendent les résultats des techniques d’intelligence artificielle accessibles au grand public. Nul doute que ces nouvelles capacités de la machine vont changer, et sans doute bouleverser notre monde. En attendant, j’ai voulu tester ChatGPT en lui posant la question suivante : « Écris un éditorial pour CORDIAM, revue destinée aux cardiologues, à la manière de Nicolas DANCHIN, avec une pointe d’humour, sur les statines chez les sujets âgés ». J’ai choisi ce thème à dessein car les données qui alimentent ChatGPT s’arrêtent en 2020-2021 et il se trouve que j’avais écrit un éditorial sur ce thème en 2019, ce qui permet de faire une comparaison honnête entre l’homme et la machine. Ce sont donc ces deux éditoriaux que je vous propose de lire aujourd’hui : celui écrit, en une à deux minutes, par ChatGPT (j’avoue que je trouve la rapidité du processus assez stupéfiante) et celui que j’avais écrit en 2019 (à dire vrai, cela m’avait pris un peu plus de temps). Je vous laisse en faire l’analyse comparée, mais à mon sens il n’y a pas vraiment photo : distinguer le travail de ChatGPT et celui de l’auteur original ne me semble pas bien difficile. On remarque notamment à quel point l’intelligence artificielle est dans la ligne, vraiment “politiquement correcte”, et incapable de prendre position. Finalement, la machine, dans le domaine de l’écriture originale, n’est pas encore près de remplacer l’humain ! Il devrait donc nous rester de la place dans le monde du futur : à nous de savoir la préserver.
Chers cardiologues,
Les statines ont été le sujet de nombreuses discussions et débats au fi l des ans, mais il y a une question qui se pose de plus en plus : sont-elles toujours utiles chez les sujets âgés ? La réponse courte est oui, mais la réponse longue est beaucoup plus nuancée. Les études ont montré que les statines peuvent réduire le risque d’accident vasculaire cérébral et de crise cardiaque chez les personnes âgées, mais il y a également des inquiétudes concernant les effets secondaires potentiels chez cette population. Certains ont suggéré que les stati nes peuvent augmenter le risque de troubles cognitifs chez les personnes âgées, mais les données ne sont pas claires à ce sujet. Je veux dire, si vous avez déjà discuté avec votre grand-mère de son dernier épisode de “Game of Thrones”, vous savez que la confusion mentale peut être due à de nombreux facteurs, pas seulement aux médicaments. Cependant, il est important de noter que les effets secondaires potentiels des statines peuvent être plus graves chez les personnes âgées, qui ont souvent des problèmes de santé sous-jacents et prennent de nombreux médicaments. Il est donc crucial de surveiller de près les patients âgés qui prennent des statines. Enfin de compte, la décision de prescrire des statines chez les sujets âgés doit être prise au cas par cas, en tenant compte de facteurs tels que l’âge, la santé globale et les antécédents médicaux du patient. Et n’oublions pas que les stati nes ne sont qu’un élément d’un plan de traitement global, qui comprend également des changements de mode de vie tels que l’exercice et une alimentati on saine. En somme, les stati nes sont des médicaments précieux pour la préventi on des maladies cardiovasculaires, mais leur utilisation chez les personnes âgées doit être évaluée att enti vement. Et comme toujours, il est important de travailler en étroite collaborati on avec les pati ents pour trouver le meilleur plan de traitement pour leurs besoins individuels.
Cordialement,
Nicolas Danchin (ou son sosie, ChatGPT)
Que faire pour ma maman ?
Jamais, je crois, je ne vous ai parlé d’elle, mais ma maman est une personne incroyable. Elle en connait plus que moi sur l’état du monde et, à chaque fois que je vais la voir, j’en ressors en ayant appris quelque chose. Pourtant, en dépit de toutes ses qualités, il se trouve qu’à l’âge de 88 ans, elle a eu droit à une pose de stent sur l’IVA pour une blockpnée d’effort assez typique, avec une resténose quelques mois plus tard, traitée par angioplastie au ballon simple. La première interventi on avait été réalisée par voie fémorale, la seconde par voie radiale : ma mère a été formelle, jamais elle ne voudrait plus de voie fémorale. Mais il s’agit là d’une digression. Ce n’est pas pour cela que je vous parle d’elle, mais plutôt pour discuter du bien-fondé d’un traitement par statines chez une personne qui n’est plus toute jeune. A l’origine, son LDL était de l’ordre de 1,5 g/L et je lui ai fait prendre 5 mg de rosuvastatine, avec une bonne efficacité (LDL passé en dessous de 1g/l). Les données scientifi ques sur la question des statines chez les personnes âgées étaient alors peu nombreuses.
Tout récemment, une méta-analyse des données individuelles de 28 essais randomisés a cherché à évaluer l’impact des statines chez les personnes âgées. Parmi les patients inclus, 8 % (près de 15 000 patients) avaient plus de 75 ans au moment de la randomisation et ont été suivis pendant 5 ans. La réduction du risque d’événements ischémiques majeurs est avérée quel que soit l’âge et reste significative chez les plus de 75 ans (- 18 % pour une baisse de LDL de 1 mmol/l, si l’on exclut les études chez les patients insuffisants cardiaques ou dialysés), avec un effet très légèrement moins marqué au fur et à mesure que l’âge augmente. La mortalité cardiovasculaire est réduite de 14 % (non significative) et la mortalité toutes causes confondues est réduite de 9 % (non significative). Il n’y a pas d’augmentati on de l’incidence des cancers ni de la mortalité par cancer.
Flash-back de quelques mois, avant la publication de cette méta-analyse. Nous sommes maintenant 10 ans après l’angioplastie ; ma maman pèse à peu près 40 Kg, n’a plus guère de muscles, marche avec difficulté, mais son cerveau est toujours parfait… Je me suis donc posé la question de savoir si, à 98 ans passés, il fallait continuer le traitement par statines. Devant une véritable sarcopénie, j’ai préféré réduire le traitement, en passant à un comprimé tous les deux jours. Le LDL est maintenant à 1,10 g/l. Nous étions loin des recommandations, mais il me paraissait licite d’adapter les règles “officielles” (schématiquement : tous les patients coronariens doivent recevoir une statine à dose maximum) à la situation d’une femme de presque 100 ans et dont la masse musculaire avait fondu au fil du temps.
Maintenant qu’est publiée cett e méta-analyse, je m’interroge : ai-je eu tort ? Si on regarde de plus près le travail du Lancet, les “elderly” inclus dans les études randomisées avait 78,8 ans de moyenne d’âge… exactement 20 ans de moins que ma maman, et les auteurs n’ont absolument pas analysé la population des plus de 75 ans en fonction de leur âge, pour la simple raison qu’il n’y avait dans les études que très peu de personnes de plus de 80 ans. En somme, cette nouvelle méta-analyse ne peut en aucun cas répondre de façon pertinente à ma question.
Sachons lire entre les lignes : il y a “elderly” et “elderly” et je pense que je n’ai finalement pas mal fait d’adapter le traitement à une situation personnelle particulière. Mais peut être dis-je cela pour me rassurer ?
Nicolas Danchin (le vrai !)
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