BRÈVES ESC 2023

Le congrès ESC 2023 n’est pas l’édition des grands résultats d’études cliniques majeures. Plutôt celui des réponses à des questions « techniques » pour les spécialistes : à quel moment revasculariser un patient multitronculaire qui fait un infarctus ? L’OCT améliore-t-elle les résultats de l’angioplastie ? L’électroporation fait-elle mieux que les techniques classiques d’ablation ?  Ou encore les résultats préliminaires ou complémentaires de molécules nouvelles ou déjà utilisées dans d’autres indications (sémaglutide, acoramidis, anakinra …).

Notre discipline est ainsi faite : parfois des avancées majeures, disruptives, mais souvent aussi des améliorations par petites touches, moins spectaculaires, mais finalement bien utiles également.

Nicolas Danchin

Les recommandations sur le mode de vie restent difficiles à mettre en application !

 

INFARCTUS AIGU

FIRE : revascularisation complète ou partielle chez les patients âgés victimes d’infarctus.

Au stade aigu de l’infarctus, la revascularisation complète des patients pluritronculaires donne de meilleurs résultats à long terme que la seule revascularisation de l’artère coupable.

L’étude FIRE (1 445 patients, dont 35 % avec STEMI) confirme que la revascularisation complète est la stratégie gagnante, même lorsque les patients sont âgés (≥ 75 ans, âge médian 80 ans).

Bref : revascularisation complète dans l’infarctus aigu, même chez les vieux . 

MULTISTARS-AMI: quand faut-il effectuer une revascularisation complète au stade aigu de l’infarctus ?

La revascularisation complète est bénéfique chez les patients pluritronculaires victimes  d’infarctus. Toutefois le moment optimal pour réaliser l’angioplastie des segments non-coupables est discuté. 840 patients avec un infarctus avec sus-décalage de ST hémodynamiquement stables ont été randomisés entre une revascularisation complète immédiatement après la désobstruction de l’artère coupable ou différée (entre 19 et 45 jours après l’événement aigu).

À un an, la revascularisation immédiate réduit le critère combiné (décès, infarctus non fatal, AVC, revascularisation pour ischémie, ou hospitalisation pour insuffisance cardiaque) : 8,5 % vs 16,3 % (RR 0,52, IC 95 % 0,38-0,72, P<0,001), sans différence pour les risques de décès, d’AVC ou d’insuffisance cardiaque.

En somme, au stade aigu de l’infarctus, autant tout faire d’un coup ! mais l’étude ne permet pas de dire si une revascularisation différée de seulement 2 ou 3 jours n’aurait pas des résultats au moins aussi bons que ceux de la revascularisation immédiate.

ECLS-SHOCK : assistance ou non dans l’infarctus compliqué de choc cardiogénique.

Le choc cardiogénique au stade aigu de l’infarctus reste une complication exceptionnellement grave. L’étude ECLS-SHOCK a randomisé 420 patients entre une prise en charge classique et l’implantation d’une assistance circulatoire. La mortalité à 30 jours est de 48 % dans le groupe ayant reçu l’assistance et de 49 % dans le groupe contrôle. Il y a plus de complications hémorragiques et vasculaires locales dans le groupe assistance. Ces résultats sont corroborés par une méta-analyse en données individuelles sur le même sujet.

En conclusion : pas d’assistance ventriculaire systématique pour le choc cardiogénique de l’infarctus.

 

CARDIOLOGIE INTERVENTIONNELLE

ILUMIEN-IV : Optimal PCI. Apport de l’OCT dans l’angioplastie coronaire.

L’OCT utilisée pour guider les angioplasties à risque (diabète, SCA, lésions longues, bifurcations occlusions chroniques etc…) a été comparée à l’angioplastie classique dans cette importante étude randomisée (n=2 487). L’OCT permet d’améliorer la surface artérielle après le geste de revascularisation (5,72 mm² vs 5,36 mm², P<0,001), mais n’améliore pas le pronostic clinique à deux ans : nouvelle revascularisation du vaisseau cible 7,4 % vs 8,2 %, P=0,45.

Finalement, on peut rester à l’angioplastie conventionnelle, sans imagerie intracoronaire, dans la plupart des cas.

 

OCTOBER : apport de l’OCT dans le traitement par angioplastie des lésions de bifurcation complexes.

Parmi les 1 201 patients ayant des lésions de bifurcation complexes, avec près de 20 % de lésions du tronc commun,  le risque de décès d’origine cardiaque, d’infarctus lié à la lésion cible ou de revascularisation de la lésion cible à 2 ans est plus faible dans le groupe où l’angioplastie est guidée par l’OCT (10,1% vs 14,1 %, HR 0,70, IC 95 % 0,50-0,98, P=0,035). La mortalité globale (2,4 % vs 4,0 %) est également moindre dans le groupe OCT, sans que la différence soit statistiquement significative. 

L’OCT peut cependant être utiles pour traiter les lésions de bifurcation complexes.

CARDIOLOGIE GÉNÉRALE

FRAIL-AF : Passage aux AOD chez les personnes âgées fragiles traitées par AVK.

Étude randomisée ouverte réalisée en Hollande, pays réputé pour ses cliniques de surveillance des AVK. Chez des patients âgés fragiles (n=1 323), anticoagulés par AVK pour une fibrillation atriale, passer des AVK aux AOD majore le risque hémorragique        (+ 69 %), sans diminuer le risque embolique et sans modifier la mortalité globale.

Quand les patients âgés fragiles sont bien contrôlés avec un traitement, il n’est pas souhaitable de chercher à les faire passer à un autre traitement, même si celui-ci est généralement considéré comme supérieur.

 

RYTHMOLOGIE

ADVENT : ablation de la FA par électroporation ou technique thermique (radiofréquence ou cryoablation).

L’électroporation est une technique d’ablation qui a pour avantage théorique principal un moindre risque de léser les tissus environnants. L’étude ADVENT  a randomisé plus de 600 patients ayant une FA paroxystique entre une ablation par une des techniques thermiques conventionnelles ou une ablation par la technique d’électroporation. Les taux de succès sont de plus de 99 % dans les deux groupes et les récidives de FA sont aussi fréquentes dans les deux groupes. Les complications sévères dans les 7 premiers jours incluant les possibles perforations œsophagiennes (aucun cas dans l’étude) ou les sténoses des veines pulmonaires  lors du suivi ne sont pas inférieures dans le groupe électroporation (2,1 % vs 1,5 %), ne permettant pas d’affirmer la non-infériorité de la méthode d’électroporation par rapport aux techniques classiques.

Il rester maintenant à évaluer dans d’autres études l’apport de la technique pour les ablations de FA persistantes.

CARDIOMYOPATHIES, INSUFFISANCE CARDIAQUE

ATTRIBUTE-CM : acoramidis dans la cardiopathie amyloïde à transthyrétine.

L’étude a randomisé plus de 600 patients entre acoramidis (n=421) et placebo (n=211). Le critère principal combine dans une analyse hiérarchique la mortalité, les hospitalisations cardio-vasculaires, l’augmentation du NT-proBNP et les résultats du test de marche de 6 minutes ; l’effet du traitement actif est marqué (win ratio 1,77, P < 0,0001). Il y a moins de décès, mais la différence n’est pas statistiquement significative (HR 0,77, IC 95 % 0,54-1,10, P=0,15).

Les résultats présentés sont assez remarquables ; il sera intéressant de comparer dans des études dédiées les résultats de l’acoramidis à ceux du tafamidis.

 

STEP-HFpEF : effet du sémaglutide en administration hebdomadaire sur le poids et la qualité de vie chez les patients avec une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée liée à l’obésité.

Cette étude randomisée de 529 patients obèses ayant des antécédents ou des marqueurs d’insuffisance cardiaque avec une FEVG ≥ 45 % montre que le sémaglutide améliore la qualité de vie et permet une baisse de poids de 10 Kg en moyenne par rapport au placebo. Parmi les événements cliniques, la survenue d’un épisode d’insuffisance cardiaque est considérablement diminuée dans le groupe sémaglutide, même s’il s’agit d’un événement restant peu fréquent dans le groupe placebo.

Dans une telle population, la perte de poids favorisée par le sémaglutide s’accompagne d’une vraie amélioration de la qualité de vie au quotidien.

 

ARAMIS : anakinra dans la myocardite aiguë.

La myocardite aiguë, pathologie souvent bénigne, peut néanmoins exposer à des complications graves, par troubles du rythme ou atteinte évolutive du myocarde. L’étude ARAMIS a testé l’apport possible d’une stratégie d’immunomodulation au stade aigu par un anti IL1, l’anakinra, en randomisant 120 patients atteints de myocardite aiguë contre placebo. Il n’y a pas de différence entre les deux groupes sur le nombre de jours sans complication ; les événements cliniques ne diffèrent pas (6 contre 10, avec une différence essentiellement liée aux récidives douloureuses).

Il reste encore du chemin pour trouver un traitement efficace dans la myocardite aiguë.    

 

PRÉVENTION

Global Cardiovascular Risk Consortium : divergence des effets du contrôle des facteurs de risque sur les événements cardio-vasculaires et la mortalité globale.

Le consortium a inclus plus d’un million et demi de sujets participants à différents registres à travers le monde et dont la grande majorité n’avaient pas de maladie cardio-vasculaire déclarée (âge médian 54 ans, 54 % de femmes). La durée de suivi est de plus de 7 ans pour l’évaluation des événements cardio-vasculaires et de près de 9 ans pour la mortalité. Cinq facteurs de risque on été évalués : l’IMC, la pression artérielle systolique, le cholestérol non-HDL, le tabac  et le diabète.

Sans surprise, le diabète ou le tabagisme actif doublent à la fois le risque d’événement cardio-vasculaire et le risque de mortalité, tant chez les hommes que chez les femmes. Plus intéressantes sont les données concernant les paramètres mesurables. Pour ce qui est de la pression systolique et du non-HDL cholestérol, les résultats confirment une relation inverse avec les événements cardiovasculaires.

En revanche, pour ce qui est de la mortalité globale, le risque le plus faible est observé autour de 120 mm Hg pour la pression systolique et remonte légèrement en deçà de ce chiffre ; surtout, pour le non-HDL, le nadir se situe aux environ de 1,40 g/L et le risque de mortalité globale remonte fortement en deçà, particulièrement pour les valeurs inférieures à 1,00 g/L. Enfin, pour ce qui est de l’IMC, le risque d’événements cardio-vasculaires le plus faible est observé pour un IMC un peu inférieur à 25 Kg/m²,  tandis que pour la mortalité globale, la valeur d’IMC associée au risque le plus faible se situe autour de 27 Kg/m², avec une augmentation de risque marquée en dessous de 25 Kg/m².

Finalement, si avoir des niveaux franchement bas de non-HDL cholestérol ou de pression artérielle est sans doute favorable pour diminuer le risque cardio-vasculaire, il ne paraît pas en aller de-même pour l’espérance de vie … À nous de choisir !

 

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