COMPTES-RENDUS CONGRÈS  : INVICTUS

L’étude INVICTUS, étudiant l’efficacité du Rivaroxaban versus anti-vitamines K (AVK) en cas defibrillation atriale d’origine rhumatismale, a été présentée lors de l’ESC 2022. Retour sur les principaux résultats à retenir, d’après la présentation du Dr Karthikeyan.

Contexte de l’étude

On estime que les valvulopathies rhumatismales touchent environ 40 millions de personnes dans le monde, principalement des patients jeunes vivant dans des pays émergents ou en voie de développement.¹
Parmi ces patients, environ 20% vont développer une fibrillation atriale (FA), que l’on dit alors « rhumatismale ».²

Les recommandations européennes préconisent l’utilisation d’anti-vitamines K (AVK) pour la prévention thromboembolique chez ces patients.² Néanmoins, aucun essai clinique n’a pour le moment étudié l’efficacité des anticoagulants oraux directs (AOD) versus AVK dans ce contexte.

L’étude INVICTUS est la première étude à tester la noninfériorité d’un AOD versus AVK chez les patients porteurs d’une FA rhumatismale.³

Méthodologie

INVICTUS est une étude internationale multicentrique (138 centres dans 24 pays en Amérique du Sud, Afrique et Asie), en ouvert et de non infériorité, en intention de traiter. Pour être inclus dans l’étude, les patients devaient être âgés d’au moins 18 ans et porteurs d’une FA (paroxystique, persistante ou permanente) d’origine rhumatismale avec soit :

  • Une sténose mitrale définie par une surface valvulaire mitrale ≤ 2 cm²
  •  Ou du contraste spontané dans l’oreillette gauche
  • Ou un thrombus atrial gauche
  • Ou un CHA2DS2VASc ≥ 2

Les critères d’exclusion étaient la présence d’une valve mécanique (ou la forte probabilité d’en avoir une dans les 6 mois), une bi anti-agrégati on plaquettaire, une insuffisance rénale sévère (DFG < 15 mL/min) et les femmes enceintes ou en âge de procréer sans contraception.

Ils étaient ensuite randomisés en 1:1 afin de recevoir Rivaroxaban 20 mg/jour (15 mg/jour en cas de débit de fi ltrati on glomérulaire entre 15 et 49 mL/min) ou une dose d’AVK pour un INR cible entre 2 et 3.

Le critère de jugement principal était un critère composite associant la survenue d’AVC, d’embolie systémique, d’infarctus du myocarde ou de décès toutes causes.

Le critère de jugement secondaire était la survenue d’un saignement majeur comme défi ni par la société internati onale d’hémostase et thrombose. (4)

Principaux résultats

4 565 patients ont été inclus et l’analyse finale en intention de traiter a porté sur 4 531 patients. Cette population était constituée majoritairement de femmes (72,3%), d’un âge moyen de 50,5 ans, 38,5% d’hypertension, 38,5% d’insuffisants cardiaque, la présence d’une insuffisance mitrale modérée à sévère dans 57,9% des cas pour un suivi médian de 3,1 ± 1,2 ans. La grande majorité (81,9%) était porteuse d’une sténose mitrale et environ la moitié avait un score CHA2DS2VASc ≤ 2.

La compliance au traitement était supérieure sous AVK (97 %) en comparaison avec les AOD (83 %). Il y a eu 23% d’arrêt définitif du Rivaroxaban (majoritairement en raison d’un remplacement valvulaire mécanique mitral), contre 6 % sous AVK.

On a dénombré 560/2 275 patients (25 %) sous Rivaroxaban qui ont présenté un événement lié au critère de jugement principal contre 442/2 256 (20 %) sous AVK, soit un risque relatif plus élevé sous AOD que sous AVK : HR = 1,25, IC 95%[1,10-1,41], p=0,001 (Figure 1).

Ce risque était largement lié à une augmentation des décès dans ce groupe. En effet, le nombre d’AVC était plus important dans le groupe Rivaroxaban que dans le groupe AVK (n=90 vs n=65) sans différence significative sur ce critère composite mais on notait significativement plus de décès dans le groupe Rivaroxaban versus AVK. Il n’y avait pas de différence significative concernant les hospitalisations pour insuffisance cardiaque (Figure 2).

Il n’existait pas de différence significative en termes de saignement entre les deux bras dans l’étude : 0,83 % par an sous AVK versus 0,67 % par an sous AOD.

Conclusion

INVICTUS n’a pas démontré la non-infériorité du Rivaroxaban comparativement au traitement par AVK en cas de FA rhumatismale. Ainsi, cette étude supporte les guidelines actuelles qui recommandent de poursuivre la prescription d’AVK dans ce cas.²

Pour aller plus loin…

  • Il faut noter qu’initialement, le critère de jugement principal ne comprenait pas les « décès toutes causes ». Consécutivement à un plus faible taux d’AVC qu’attendu, ce critère a été rajouté par le comité de pilotage de l’étude. Néanmoins, la différence entre les deux groupes reste très importante.
  • L’analyse per-protocole a retrouvé les mêmes résultats.

Références

1. Marijon E, Mirabel M, Celermajer DS, Jouven X. Rheumati c heart disease. Lancet. 2012 Mar 10;379(9819):953–64.
2. Hindricks G, Potpara T, Dagres N, Arbelo E, Bax JJ, Blomström-Lundqvist C, et al. 2020 ESC Guidelines for the diagnosis and management of atrial fibrillation developed in collaboration with the European Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS): The Task Force for the diagnosis and management of atrial fibrillation of the European Society of Cardiology (ESC) Developed with the special contribution of the European Heart Rhythm Association (EHRA) of the ESC. Eur Heart J. 2021 Feb 1;42(5):373–498.
3. Connolly SJ, Karthikeyan G, Ntsekhe M, Haileamlak A, El Sayed A, El Ghamrawy A, et al. Rivaroxaban in Rheumatic Heart Disease-Associated Atrial Fibrillation. N Engl J Med. 2022 Sep 15;387(11):978–88.
4. Schulman S, Kearon C, Subcommittee on Control of Anti coagulation of the Scienti fi c and Standardizati on Committee of the International Society on Thrombosis and Haemostasis. Definition of major bleeding in clinical investigations of anti-hemostatic medicinal products in non-surgical patients. J Thromb Haemost. 2005 Apr;3(4):692–4.

Charles Fauvel, Columbus, Ohio / Rouen, France.

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