Regards croisés : comment j'utilise les analogues du GLP1 en cardiologie à l’hôpital

Les recommandations 2019 des Sociétés Européennes de Cardiologie (ESC) et de Diabétologie (EASD) ont consacré pour la communauté cardiologique le changement de paradigme concernant la prise en charge pharmacologique du diabète de type 21, passant d’une stratégie gluco-centrée historique visant à faire baisser l’hémoglobine glyquée (HbA1c) vers une stratégie de réduction des évènements cardiaques et rénaux.

 

Ces recommandations proposent en première ligne les agonistes des récepteurs aux GLP1 (AR-GLP1) et les inhibiteurs de SGLT2 (iSGLT2) chez les pati ents diabétiques de type 2 en prévention secondaire ou à haut risque cardiovasculaire. En complément, la Société Francophone de Diabétologie a pris position en proposant que la metformine reste un traitement de première ligne en association avec ces nouvelles classes d’anti diabétiques chez ces pati ents notamment en raison d’un pourcentage élevé de prescription de metformine chez les pati ents inclus dans les essais cliniques qui ont démontré l’efficacité de ces nouvelles classes thérapeutiques sur les évènements cardiovasculaires2.

 

La classe des AR-GLP1, outre une efficacité sur le contrôle glycémique et la réduction pondérale des diabétiques de type 2, a démontré un rapport bénéfice risque favorable chez les pati ents diabétiques de type 2 à haut risque cardiovasculaire avec un eff et protecteur particulièrement marqué sur les complications cliniques de l’athérosclérose et notamment le risque d’AVC ischémique3.

 

Le patient diabétique en post syndrome coronarien aigu

Ces nouvelles données et recommandation sont un encouragement à mettre un terme à l’inertie thérapeutique des cardiologues en mati ère de prise en charge du risque lié au diabète. C’est sur cette base que notre équipe, en lien avec notre correspondant diabétologue au CHRU de Tours, a mis en place depuis mars 2020 un protocole d’introduction des antidiabétiques oraux dès la phase d’hospitalisation pour syndrome coronarien aigu (SCA).

 

Ce protocole est décliné assez simplement :

1. Dépistage systématique d’un diabète chez tout pati ent hospitalisé pour SCA par la mesure de la glycémie à jeun et de l’HbA1c

2. Si pati ent diabétique connu, modification éventuelle de son traitement suivant l’algorithme ci-dessous selon la FEVG observée

3. Si découverte d’un diabète, introduction d’un traitement avant la sorti e des soins intensifs suivant l’algorithme ci-dessous selon la FEVG observée

4. Consultation programmée en diabétologie dans les 4 semaines suivantes pour avoir un avis spécialisé avant de passer la main au médecin traitant

 

En termes de prescription, nous proposons aux patients de choisir entre les formes d’AR-GLP1 à injections quotidiennes ou hebdomadaires et nous profitons de la phase d’hospitalisation pour que les infirmières du service les forment aux auto-injections ultérieures. En parallèle les conseils en matière d’alimentation et d’activité physique sont expliqués. Le courrier de sortie précise les données concernant le diabète et rappelle l’objectif de cible d’HbA1c classiquement < 7%.

Un séjour en réadaptation cardiaque est systématiquement proposé à tous nos patients pris en charge pour SCA sauf si les comorbidités rendent ce séjour non pertinent. Le relai en termes de règles hygiénodiététiques et de tolérance initiale des traitements est donc transmis aux collègues des centres de réadaptation cardiaques. Après plus de trois ans d’application, ce protocole est bien accepté par les équipes soignantes des soins intensifs et par les patients.

 

L’ordonnance type de sortie est ainsi proposée :

– Traitement post SCA (BASIC)

– Metformine 1000 mg : 1 cp mati n et soir

– AR-GLP1 à dose initiale 1 injection/j ou /semaine

– Posologie à majorer au palier suivant le schéma thérapeutique recommandé

– Suivi des règles hygiéno-diététiques et objectif d’HbA1c < 7%

– RDV de consultation en diabétologie dans 4 semaines

 

Le patient diabétique porteur d’une maladie coronaire chronique

Une situation fréquente est celle du patient diabétique de type 2 revu en consultation de suivi cardiologique pour maladie coronaire chronique et dont le traitement ne comporte pas d’AR-GLP1 alors que le patient n’a pas de contre-indication apparente à cette classe thérapeutique avec une prise de sang récente indiquant une HbA1c > 7%. Dans ce cas je propose et je prescris l’introduction d’un AR-GLP1 en plus de la metformine presque toujours présente sur son ordonnance, je précise sur l’ordonnance l’augmentation progressive des doses et j’arrête un éventuel inhibiteur des DPP4 ou un sulfamide hypoglycémiant déjà prescrit. Sachant que les iDPP4 sont neutres sur le risque cardiovasculaire et que les sulfamides hypoglycémiants entrainent un risque accru d’hypoglycémie, d’évènements et de décès, le rapport bénéfice risque de ces molécules chez les patients en prévention secondaire n’est pas favorable4.

 

Si le diabète est très mal contrôlé (HbA1C > 9%) ou si le patient est sous insuline je le renvoie en consultation rapide chez un diabétologue sans modifier son traitement. Là encore le retour d’expérience est positif avec dans la majorité des cas un traitement qui sera bien toléré passé les premières semaines avec des résultats très motivants pour le patient en matière de contrôle de l’HbA1c et de réduction pondérale. Seul bémol, l’augmentation des posologies recommandée n’est pas toujours faite par le médecin traitant et certains patients restent avec la posologie de démarrage au long cours.

L’ordonnance modifiée est ainsi proposée :

– Poursuite du traitement de la maladie coronaire chronique

– Arrêt du traitement par iDPP4 et/ou par sulfamide hypoglycémiant

– Metformine 1000mg : 1 cp matin et soir

– AR-GLP1 à dose initiale 1 injection/j ou /semaine

– Posologie à majorer au palier suivant le schéma thérapeutique recommandé

– Suivi des règles hygiéno-diététiques et objectif d’HbA1c < 7%

– RDV de consultation avec le médecin traitant dans 3 mois avec contrôle de l’HbA1c

 

Le patient diabétique insuffisant cardiaque traité par iSGLT2

Enfin si le pati ent est déjà sous iSGLT2 pour une insuffisance cardiaque conformément aux recommandations de l’ESC avec un diabète mal contrôlé et/ou des complications de l’athérosclérose qui progressent (récidive d’évènements ischémiques, atteinte polyvasculaire), en accord avec le diabétologue nous proposons parfois l’association des deux classes thérapeutiques sachant que l’iSGLT2 est proposé dans son indication insuffisance cardiaque et l’AR-GLP1 dans son indication diabète. Concernant cette association qui est proposée en seconde ligne dans les recommandations de l’ESC 2019, seules des données d’études observationnelles suggèrent une efficacité sur les évènements cardiovasculaires et rassurent sur sa tolérance chez les patients diabétiques porteurs d’insuffisance cardiaque 5.

L’auteur déclare avoir reçu des financements pour participation à des congrès, communications orales et/ou interventions comme consultant pour les laboratoires Alnylam, Amgen, Astra Zeneca, Bayer, BMS, Boehringer, Bouchara Recordati , Novartis, Novo Nordisk, Organon, Lilly, Sanofi , Servier, Vifor.

 

Références :

1. Cosentino F, Grant PJ, Aboyans V, et al. 2019 ESC Guidelines on diabetes, pre-diabetes, and cardiovascular diseases developed in collaboration with the EASD. European Heart Journal 2020;41(2):255–323.

2. Darmon P, Bauduceau B, Bordier L, et al. Prise de position de la Société Francophone du Diabète (SFD) sur les stratégies d’uti lisation des traitements anti -hyperglycémiants dans le diabètede type 2 – 2021. Médecine des Maladies Métaboliques 2021;15(8):781–801.

3. Kristensen SL, Rørth R, Jhund PS, et al. Cardiovascular, mortality, and kidney outcomes with GLP-1 receptor agonists in pati ents with type 2 diabetes: a systematic review and meta-analysis of cardiovascular outcome trials. Lancet Diabetes Endocrinol 2019;7(10):776–85.

4. Mannucci E, Gallo M, Giaccari A, et al. Effects of glucose-lowering agents on cardiovascular and renal outcomes in subjects with type 2 diabetes: An updated meta-analysis of randomized controlled trials with external adjudication of events. Diabetes Obes Metab 2023;25(2):444–53.

5. Lopez PD, Bhati a K, Bohra C, Mahmood K, Baruch L, Eng C. Benefits of Adding Glucagon-Like Pepti de 1 Receptor Agonists to Sodium-Glucose Co-Transporter 2 Inhibitors in Diabetic Pati ents With Atherosclerotic Disease and Heart Failure. Am J Cardiol 2022;181:87–93.

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