Actualité en hypertension artérielle et fibrillation atriale

1. Épidémiologie et Physiopathologie

L’épidémiologie de l’hypertension artérielle et celle de la fibrillation atriale sont intimement liées puisque l’hypertension artérielle est considérée comme le premier facteur de risque de fibrillation atriale. Les données de prévalence montrent qu’actuellement le nombre de patients atteints d’hypertension artérielle explose et qu’il serait estimé à plus de 1,2 milliards dans le monde. Il en est de même pour la fibrillation auriculaire et une épidémiologie corrélée est probable. À côté de l’hypertension artérielle, d’autres facteurs de risque associés à l’hypertension artérielle font le lit de la fibrillation atriale comme l’obésité, la sédentarité et les maladies cardiovasculaires en général1,2

Dans les essais cliniques dédiés à la fibrillation atriale, quelles que soient les stratégies étudiées (contrôle du rythme, restauration du rythme sinusal, évaluation de nouveaux anticoagulants), la prévalence de l’hypertension artérielle varie de 50 à 90%. Inversement dans les essais d’hypertension artérielle, la prévalence de la fibrillation artérielle est aux alentours de 20 à
30%, mais elle augmente proportionnellement au déséquilibre tensionnel ou aux comorbidités associées à l’hypertension artérielle. Ainsi un hypertendu qui cumule d’autres comorbidités ou des atteintes d’organes cibles liées à son hypertension artérielle aura un risque de développer une fibrillation atriale quatre fois plus important que celui des sujets dont la pression artérielle est contrôlée. Au-delà de cette relation liée à la charge hémodynamique et / ou à l’atteinte des organes cibles,
une modification du profil tensionnel avec notamment un profil non dipper augmente également le risque de développer une fibrillation atriale d’un facteur 2.3

La physiopathologie de cette association morbide repose sur une triade classique. Ainsi l’hypertension artérielle génère un remodelage ventriculaire qui est un facteur de risque d’arythmie auriculaire essentiellement liée à une augmentation de la masse ventriculaire gauche. L’augmentation des pressions de remplissage du ventricule gauche et les effets directs de l’hypertension artérielle sur l’oreillette gauche sont responsables d’une véritable cardiomyopathie atriale qui fait le lit tissulaire de la fibrillation atriale. Ainsi la cœxistence d’une hypertrophie ventriculaire gauche et d’une fibrillation atriale augmentent de 2,4 fois le risque de survenue de dilatation de l’oreillette gauche à cinq ans. Aux anomalies hémodynamiques et tissulaires se surajoutent des anomalies neuro humorales à savoir d’une part l’hyperactivité sympathique et le retraitvagal mais également l’hyperactivité du système rénine angiotensine aldostérone. L’angiotensine 2 d’une part et l’aldostérone d’autre part vont non seulement aggraver les conditions de charge sur le ventricule gauche et l’oreillette gauche mais également accentuer l’hypertrophie et la fibrose myocardique conduisant de ce fait à un remodelage électrique qui potentialise le développement de fibrillation auriculaire. Ces anomalies neuro humorales en accentuant les gâchettes ischémiques et hydroélectrolytiques contribuent également à accentuer le risque de développer une fibrillation atriale.4

 

2. Mesure de PA et dépistage de FA

En pratique clinique, il ressort que la mesure de la pression artérielle en cas de fibrillation auriculaire est associée à une précision raisonnable pour la valeur de la pression artérielle systolique mais qu’il y a probablement une surestimation de la pression artérielle diastolique. Tout doit être mis en œuvre pour réaliser des mesures automatiques répétées soit au domicile avec des appareils d’automesure, soit sur 24 heures avec des appareils adaptés. Certes la mesure manuelle de la pression artérielle est sensiblement meilleure que les méthodes automatiques pour les patients en fibrillation atriale mais le grand nombre de biais justifie l’utilisation des appareils automatiques. Les recommandations préconisent un dépistage opportuniste de la fibrillation atriale chez les sujets hypertendus (recommandation de classe I niveau B) et un dépistage systématique par électrocardiogramme pour détecter la fibrillation atriale doit être réalisé chez les personnes âgées de plus de 75 ans ou celles qui présentent un risque élevé d’AVC, entre autres donc les patients hypertendus. (recommandation de classe Iia niveau B). Ces recommandations, considèrent que pour le dépistage opportuniste il est acceptable d’utiliser des technologies basées sur la photo pléthysmographie pour dépister la fibrillation atriale, lorsque la recherche est systématique, il vaut mieux recourir à un enregistrement électrocardiographique. Dans ce contexte, des dispositifs qui mesurent de façon concomitante la pression artérielle et l’électrocardiogramme pourraient avoir un intérêt puisque leur sensibilité et leur spécificité paraissent acceptables dans le cadre du dépistage.5,6

 

3. Prise en charge de l’HTA chez les sujets en FA

La prise en charge de la fibrillation auriculaire n’est pas spécifique chez les sujets hypertendus. Elle repose sur les recommandations traditionnelles de prise en charge visant à protéger le patient d’accidents emboliques et à ralentir ou réduire son arythmie. Pour ce qui est du contrôle tensionnel, tout sera mis en œuvre pour réduire la pression artérielle systolique puisque c’est le plus grand pourvoyeur de fibrillation atriale. La stratégie reposera sur l’association d’un bloqueur du système rénine angiotensine aldostérone et d’un bêtabloquant si la fréquence cardiaque > 80bpm avec en l’absence d’atteinte des objectifs tensionnels, le recours à une association avec un inhibiteur calcique à tropisme vasculaire ou un diurétique thiazidique. Cette approche pas à pas pourra être optimisé par la combinaison de ces quatre classes pharmacologiques si la pression artérielle n’est toujours pas à l’objectif. Lorsque la fréquence cardiaque < 80bpm, la bithérapie initiale reposera sur l’association d’un bloqueur du système rénine angiotensine aldostérone avec soit une dihydropyridine soit un diurétique thiazidique, ces trois classes pourraient être associées si les objectifs tensionnels n’étaient pas atteints.7

 

En conclusion, retenons que l’hypertension artérielle constitue le premier facteur de risque de la fibrillation atriale, et que cette association morbide fait le lit du pronostic des patients. La physiopathologie de cette affection repose sur la combinaison d’un remodelage myocardique délétère et d’anomalies hémodynamiques, associée à la présence d’une activation des systèmes neurohumoraux. La mesure de la pression artérielle doit employer des appareils validés, et le contrôle de la pression artérielle est la meilleure façon de prévenir l’apparition d’une fibrillation atriale. Ce contrôle repose sur l’utilisation des algorithmes préconisés par les recommandations de la société Européenne d’hypertension artérielle de 2023.

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