Quand le politiquement correct se heurte à la science
Dimanche 11 février était la journée internationale des femmes et filles de science. Isabelle Vauglin,
astrophysicienne présidente de l’association Femmes et Sciences, interrogée par Radio-France a tenu à cette occasion les propos suivants, relayés sur les différentes radios du réseau national. Je cite textuellement : « On sait très bien que les symptômes, par exemple, de l’infarctus ne sont pas les mêmes pour les femmes. En France, à l’heure actuelle, une femme a plus de risque de mourir d’un infarctus en France du simple fait qu’elle est une femme ». On se demande en premier pourquoi il faut parler des différences hommes-femmes dans l’infarctus quand le sujet est l’insuffisance de représentation des femmes dans les professions scientifiques… Mais passons. Qu’en est-il de ces assertions, souvent reprises par la presse grand public ?
Dans la plus récente enquête nationale française (FAST-MI 2015), les douleurs d’infarctus sont typiques chez 74 % des femmes et 81 % des hommes : une différence absolue de 7 % seulement ; autrement dit dans 91 % des cas, les femmes ont des symptômes semblables à ceux des hommes… Affirmer que les symptômes ne sont pas les mêmes est donc un extrême raccourci, potentiellement dangereux, qui pourrait faire croire aux femmes que l’infarctus ne se traduit jamais chez elles par des douleurs thoraciques typiques. Il aurait été infiniment mieux, si l’on cherche à faire progresser la prise en charge, de dire que la plupart du temps les femmes ont, comme les hommes, des symptômes typiques lorsque survient un infarctus, mais qu’il faut être vigilant vis-à-vis de symptômes parfois moins typiques et ne pas éliminer d’emblée la possibilité d’un infarctus. La nuance, scientifiquement étayée, plutôt que les slogans.
Ensuite, affirmer qu’une femme a plus de risque de mourir d’un infarctus « du simple fait qu’elle est une femme » est encore plus inexact. Certes, la mortalité des femmes hospitalisées pour un infarctus est plus élevée que celle des hommes (3,9 % chez les femmes, 2,1 % chez les hommes dans l’enquête de 2015), mais la surmortalité des femmes est essentiellement en lien avec leur plus grand âge au moment de l’infarctus (69 ans contre 61 ans).
Dès que l’on ajuste sur l’âge, la mortalité des femmes n’est plus significativement différente de celles des hommes.
Il y a pourtant des choses à dire sur les différences hommes-femmes lors d’un infarctus. En particulier, sur le plus long délai d’appel constaté chez les femmes : toujours en 2015, on observe un délai médian avant le premier appel de 120 minutes pour les femmes et 84 minutes pour les hommes ; et là, même après ajustement sur l’âge et la typicité des symptômes, le risque de mettre plus d’une heure avant d’appeler est majoré de 40 % chez les femmes par rapport aux hommes.
C’est donc surtout à ce niveau qu’il faut essayer d’améliorer les choses, en tentant de comprendre les raisons d’une telle différence, pour pouvoir y remédier, avec par exemple des campagnes d’informations ciblées, fondées sur des données solides et non pas sur des impressions ou sur la répétition de formules racoleuses.
En vérité, on aurait 100 fois préféré que Mme Vauglin nous parle de son domaine, plutôt qu’elle ne vienne, dans un but idéologique bien éloigné de la science, discourir sur l’infarctus du myocarde. Et rassurez-vous, je ne vous ferai jamais la leçon sur des questions d’astrophysique.
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