Quelles ont été les deux ou trois principales avancées en cardiologie depuis l’an 2000?
Les deux avancées principales depuis l’an 2000, sont à mon sens, parce qu’elles ont changé la qualité de vie des patients et notre prise en charge, le TAVI et les anticoagulants oraux directs.
Le TAVI nous offre la possibilité de traiter des personnes âgées chez qui la chirurgie « classique » est inenvisageable du fait de leur fragilité. Au-delà de l’espérance de vie qui augmente, c’est la qualité de vie de ces personnes qui est améliorée. Quel plaisir de voir le sourire retrouvé de ces octogénaires qui peuvent de nouveau profiter de leurs enfants, petits-enfants et souvent arrières petits-enfants! Les progrès dans la technique ont permis un élargissement des indications.
Elle reste néanmoins réservée aux personnes de plus de 80 ans récusées pour la chirurgie classique du fait de leur âge ou d’un euroscore élevé. Lorsque l’indication est bien posée et le geste praticable, la technique est miraculeuse avec une sortie des patients le plus fréquemment entre J3 et J6 à leur domicile. Je dirais que sa seule « limitation » est son apparente simplicité!
Il s’agit d’une technique nécessitant une courbe d’apprentissage importante, les patients doivent être avertis du risque potentiel, bien que très rare, de conversion chirurgicale. Il faut espérer que dans les années à venir la progression de la technique et le recul suffisant sur la durée de vie des prothèses permettront un élargissement des indications, avec notamment la pratique (déjà nettement amorcée) des « valve in valve ».
L’avènement des anticoagulants oraux directs (AOD) a permis une simplification de la prise en charge des patients. L’indication actuelle représentée par la fibrillation auriculaire non valvulaire concerne un grand nombre de patients. La mise en place du traitement est très largement facilitée lors de la découverte d’une fibrillation auriculaire de novo. Outre le fait que le mécanisme d’action des anticoagulants oraux permet une meilleure stabilité de l’anticoagulation avec une diminution des complications hémorragiques, la diminution des contraintes annexes (alimentaires, parfois anxiogènes pour les patients, prises de sang au minimum mensuelles), contribue à une meilleure acceptation de la maladie et à une meilleure observance du traitement.
N’oublions pas néanmoins les recommandations qui excluent les prothèses mécaniques de toutes sortes et le rétrécissement mitral. On espère que les AOD feront preuve rapidement de leur efficacité dans ces dernières indications, soyons patients !
Quelle a été votre meilleure expérience professionnelle ?
Ma meilleure expérience professionnelle a été l’avènement de l’assistance circulatoire chez les patients en attente de transplantation cardiaque ou présentant une maladie myocardique aiguë potentiellement réversible ou encore une maladie myocardique chronique avec contre-indication à une transplantation cardiaque.
Je me rappelle notamment d’une myocardite aiguë fulminante en postpartum chez une jeune patiente de 30 ans. Une assistance circulatoire type ECMO l’a sauvée et lui a permis de récupérer une fonction myocardique quasiment normale en quelques mois. Sans cette possibilité d’assistance, la patiente n’aurait certainement pas survécu. Je me souviens également de ce patient de 45 ans atteint d’une cardiopathie dilatée et sur liste d’attente pour une transplantation cardiaque, qui grâce a une assistance circulatoire gauche type « Heart Mate » en « bridge to transplantation », a pu bénéficier de sa greffe cardiaque dans de bonnes conditions.
Quel serait votre principal regret ?
Mon principal regret serait que dans les années à venir le numérique, les consultations de télémédecine et l’intelligence artificielle se substituent aux échanges humains qui à mon sens restent l’essence même de notre activité professionnelle. Les échanges humains à travers un regard ou un geste sont inévitablement différents derrière un écran.
Comment voyez-vous le futur ?
Bien que personnellement encore assez critique, sur certains points, vis à vis de l’intelligence artificielle et les consultations de télémédecine, je pense qu’une partie de notre pratique médicale future se situe justement là. On ne pourra pas échapper au numérique, il faudra le voir comme un atout et un moyen complémentaire qui nous aidera dans l’exercice de notre métier. Nous optimiserons la prise en charge de nos patients grâce à ces moyens modernes d’échanges et de raisonnements algorythmiques, mais il ne faudra jamais oublier que la médecine reste avant tout une vocation motivée par la beauté des échanges humains.
La dépersonnalisation de ces échanges représente un risque de déshumanisation dont il faut avoir conscience.
Ludivine Perdrix,
Issy les Moulineaux