Le score calcique coronaire est un puissant prédicteur de risque d’évènements cardiovasculaires chez les patients asymptomatiques exclusivement. En quoi consiste ce score, comment le détermine-t-on et quelles en sont les indications ?

LE POINT DE VUE DU CARDIOLOGUE : MISE AU POINT

Réalisation

L’examen est extrêmement simple et rapide. Il s’agit d’un scanner thoracique centré sur le coeur, sans injection de produit de contraste, délivrant une très faible irradiation (< 1 mSv). Un logiciel permet la détection semi-automatique des calcifications coronaires épicardiques (qui doivent cependant être délimitées par l’opérateur) : ces lésions sont caractérisées par une densité > 130 Unités Hounsfield (UH), donc très hyperdenses, avec une surface pour chaque lésion > 1 mm². L’élaboration de cette méthode et du score – le score calcique coronaire (CAC-score) – qui en découle fait suite à une publication déjà ancienne (1) : ce score est maintenant communément appelé le score d’Agatston.

Interprétation

La présence de calcifications coronaires au niveau des artères épicardiques est liée à des plaques
athéromateuses (2). Un score calcique coronaire élevé est donc le reflet indirect d’une charge athéromateuse importante, et donc d’un risque cardiovasculaire accru. Cependant, il est établi que le CAC-score varie selon l’âge, le sexe et l’ethnie (3, 4) : il existe donc des moyens d’affiner sa valeur prédictive en fonction de ces différents paramètres (5).

La définition des plaques coronaires épicardiques calcifiées par l’opérateur donne un score, et l’ensemble de ces plaques additionnées fournit le CAC-score. De façon brute, on a établi plusieurs catégories selon le degré de calcifications :

• CAC-score = 0 —> pas d’athérome calcifié, le risque cardiovasculaire est minimal
• CAC-score = 1-10 —> peu de plaques calcifiées
• CAC-score = 10-100 —> calcifications coronaires modérées
• CAC-score = 100-400 —> calcifications coronaires marquées
• CAC-score > 400 —> importantes calcifications coronaires
• Au-dessus de 1000 de façon certaine le coroscanner (avec injection de produit de contraste) est à
proscrire, en raison d’une charge calcique massive rendant l’analyse précise de la lumière coronaire difficile, voire impossible.

Intérêt

Le CAC-score présente une excellente valeur prédictive négative lorsqu’il est nul, dans une population asymptomatique et sans coronaropathie connue (6). Dans une publication de 2000 (He et al.), aucun patient avec CAC-score < 10 n’avait eu d’ischémie myocardique décelée en scintigraphie.

Un score calcique nul chez un patient asymptomatique marque un risque cardiovasculaire à 10 ans très bas, mais cependant pas nul.

Par ailleurs, plus le score calcique est élevé, plus la probabilité de coronaropathie significative (et d’ischémie myocardique silencieuse) est importante (7). Les différents seuils de CACscore correspondent donc également à un risque crescendo d’évènements cardiovasculaires à 10 ans.

Il est important en pratique courante de retenir qu’un score calcique coronaire > 400 témoigne d’un risque cardiovasculaire élevé (taux d’évènements > 20% à 10 ans) chez des sujets totalement asymptomatiques et sans coronaropathie connue.

Ce chiffre de 400 a été retenu à partir d’études prospectives étudiant le lien à long terme entre CAC et risque cardiovasculaire. Les patients ayant un CAC élevé sont donc à surveiller de façon plus rapprochée, avec un contrôle des facteurs de risque cardiovasculaire qui doit être optimal (contrôle tensionnel et du diabète, arrêt du tabagisme).

Limites

Par définition, ce score n’est applicable qu’aux patients asymptomatiques, sans coronaropathie connue. Chez les coronariens ou les patients symptomatiques,d’autres examens (morphologiques ou non) sont recommandés.

Selon une étude récente, la progression du CACscore n’a pas clairement d’ intérêt pour l’amélioration de la stratification du risque cardiovasculaire : ce qui importe est la dernière valeur obtenue (8)

Il est important de rappeler que toutes les plaques ne sont pas calcifiées : certaines (près de 4%) sont totalement non calcifiées, uniquement lipidiques, et ne sont pas donc pas étudiées par le score calcique. Elles marquent pourtant également, lorsqu’elles sont présentes, un risque cardiovasculaire accru.

Dans les recommandations actuelles de la Société Européenne de Cardiologie, le score calcique n’est pas recommandé en pratique courante, bien qu’un score calcique coronaire > 400 soit reconnu comme marquant un risque cardiovasculaire accru (9)

Il n’existe pas d’étude justifiant l’instauration d’un traitement en cas de score calcique élevé. De la même façon, il n’est pas recommandé de réaliser une exploration cardiaque non invasive ou invasive en cas de CAC > 400.

LE POINT DE VUE DIABÉTIQUE

Calcifications coronaires dans la population DT2

Il existe une plus grande prévalence et une plus grande étendue des calcifications coronaires chez le diabétique par rapport à la population générale (10, 11).Ces données sont cohérentes avec l’augmentation de la prévalence de l’athérosclérose (dont les calcifications coronaires sont un reflet) et de sa gravité dans cette population diabétique.

Parmi les causes évoquées de la plus grande calcification des plaques chez les patients DT2, on peut citer l’effet direct du glucose sur la calcification des cellules vasculaires (12), et à l’inverse la perte de l’effet protecteur de l’adiponectine (13).

Prédictibilité du risque d’événement cardiovasculaire

Dans la population diabétique type 2 asymptomatique, le score calcique coronaire est un prédicteur indépendant et hautement significatif d’événements cardiovasculaires (14) et de mortalité toutes causes (15).

A score calcique coronaire égal, le risque cardiovasculaire à 5 ans est supérieur chez le patient diabétique par rapport au patient non diabétique, à l’exception d’un score calcique nul qui a le même pouvoir prédictif négatif quel que soit le statut glycémique du patient. En revanche au-delà de 5 ans, le risque est plus élevé chez les patients diabétiques même en cas de score calcique initial nul.

La comparaison des courbes ROC du CAC-score, du score de Framingham et du score UKPDS chez les patients diabétiques asymptomatiques montre que le CAC-score présente les meilleures valeurs de sensibilité et de spécificité (16).

Facteurs associés aux calcifications coronaires chez le diabétique

Le score calcique coronaire est corrélé au sexe masculin, à l’âge, à un ratio taille/hanche élevé, à l’hypertension artérielle, comme dans la population générale (17).

Il faut rajouter à ces facteurs la durée d’évolution du diabète, son mauvais équilibre chronique et l’instabilité glycémique (19), qui étaient déjà des facteurs connus d’augmentation du risque d’événements cardiovasculaire chez les patients diabétiques et qui témoignent de l’importance d’une prise en charge la plus rigoureuse possible de ces malades.

Il semble donc que la réalisation d’un score calcique coronaire pourrait être utile dans l’évaluation individualisée du risque d’événement dans la population des patients diabétiques.

Que disent les recommandations ?

Il n’existe pas à ce jour d’étude montrant que la réalisation d’un score calcique coronaire chez les patients diabétiques de type 2 asymptomatiques permet de réduire les événements cardiovasculaires.

C’est pourquoi les différentes sociétés savantes internationales n’ont pas encore tranché sur la place de cet examen en routine clinique.

Si l’American Diabetes Association (ADA) ne recommande même pas le dépistage de l’ischémie myocardique silencieuse, l’American Heart Association (AHA) préconise l’évaluation du risque cardiovasculaire par la réalisation d’un score calcique coronaire chez les patients diabétiques âgés de plus de 40 ans.

Dans les dernières recommandations Européennes ESC/EASD, l’existence d’un score calcique coronaire élevé peut, comme la présence d’une AOMI ou d’une protéinurie, être un argument pour réaliser une épreuve d’effort ou une scintigraphie myocardique de perfusion chez le diabétique.

Conclusion

Le score calcique coronaire permet d’améliorer la stratification du risque cardiovasculaire dans la population générale asymptomatique sans coronaropathie connue, et d’autant plus dans la population diabétique. Il a par ailleurs une excellente valeur prédictive négative, lorsqu’il est nul, que le patient soit diabétique ou non. Il semble donc avoir sa place dans la stratégie de dépistage actuelle de l’IMS chez les patients diabétiques (Figure 2).

Il permet, surtout chez le diabétique,une évaluation plus précise du risque de survenue d’évènements cardiovasculaires et peut donc pousser à la réalisation d’une recherche d’ischémie ou non dans cette population particulière. Néanmoins le bénéfice du dépistage de l’IMS reste toujours à démontrer dans ce cas.

Benjamin Alos,
centre cardiovasculaire,
CHU de Poitiers
benjamin.alos@chu-poitiers.fr

Jean-Baptiste Julla,
Département de diabétologie,
Hôpital Lariboisière, 
Paris
jeanbaptiste.julla@aphp.fr

RÉFÉRENCES
1. Comparison of Serial Quantitative Evaluation of Calcifi ed Coronary Artery Plaque by Ultrafast Computed Tomography in Persons With and Without Obstructive Coronary Artery Disease. Janowitz et al, AJC 1991
2.Comparison of electron beam computed tomography with intracoronary ultrasound and coronary angiography for detection of coronary atherosclerosis.Baumgart et al, JACC 1997
3. Distribution and Burden of Newly Detected Coronary Artery Calcium (CAC): Results from the Multi Ethnic Study of Atherosclerosis (MESA). Alluri et al, J Cardiovasc Comput Tomogr 2016
4. Coronary Calcium as a Predictor of CoronaryEvents in Four Racial or Ethnic Groups. Detrano et al, NEJM 2008
5. Interpretation of the Coronary Artery Calcium Score in Combination with Conventional Cardiovascular Risk Factors: The Multi-Ethnic Study of Atherosclerosis (MESA). Pletcher, Circulation 2013
6. Diagnostic and prognostic valueof absence of coronary artery calcification.Sarwar et al, JACC CVI 2009
7. Long-termprognosis associated with coronary calcification:observations from a registry of 25,253 patients.Budoff et al, JACC 2007
8. Value of Progression of Coronary Artery Calcifi cation for Risk Prediction of Coronary and Cardiovascular Events. Lehmann et al, Circulation 2017
9. 2016 ESC/EAS Guidelines for the ManagementofDyslipidaemias. Catapano et al, EHJ 2016
10. Increased Prevalence of Signifi cant Coronary Artery Calcifi cation in Patients With Diabetes. Bernstein et al, Diabetes Care 2001
11. ACCF/AHA 2007 clinical expert consensus document on coronary artery calcium scoring by computed tomography in global cardiovascular risk assessment and in evaluation of patients with chest pain. Greenland et al, Circulation 2007
12. High glucose increases the expression of Cbfa1 and BMP-2 and enhances the calcifi cation of vascular smooth muscle cells. Chen et al, Nephrol Dial Transplant 2006
13. Diabetic patients have an increased risk of vertebral fractures independent of BMD or diabetic complications. Yamamoto et al, J Bone Miner Res. 2009
14. Coronary calcium measurement improves prediction of cardiovascular events in asymptomatic patients with type 2 diabetes: the PREDICT study.Elkeles et al, EHJ 2008
15. Prognostic Value of Coronary Artery Calcium Screening in Subjects With and Without Diabetes. Raggi et al, JACC 2004
16. Risk stratifi cation in uncomplicated type 2 diabetes: prospective evaluation of the combined use of coronary artery calcium imaging and selective myocardial perfusion scintigraphy. Anand et al, EHJ 2006
17. The association of coronary calcium score and conventional cardiovascular risk factors in Type 2 diabetic subjects asymptomatic for coronary heart disease (The PREDICT Study). Elkeles et al, Diabetic Medicine 2004
18. Association between hemoglobin A1c variability and subclinical coronary atherosclerosis in subjects with type 2 diabetes. Yang et al, J Diabetes Complications 2015

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