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Du décès du dauphin en 1765 à l’embarquement de l’empereur Napoléon après les Cent-jours en 1815, l’histoire de France connaît une accélération exceptionnelle. Parallèlement, ces cinquante années vont transformer le quotidien des français en particulier dans l’adoption de nouvelles habitudes alimentaires qui fixent encore aujourd’hui le cadre de nos comportements.
Le fait le plus singulier s’inscrit en cette même année 1765 avec la création du mot « restaurant ». Jusqu’à cette date les métiers de bouche étaient réglementés par des confréries et des corporations héritières du Moyen âge jalouses de leurs prérogatives et incluant des professions très diverses : traiteur, charcutier, porte-chappe, langueyeur… toutes confortées dans leurs positions par l’acquittement de taxes royales. Les confréries et corporations apparues sous Saint-Louis avaient évolué au fur et à mesure d’ordonnances successives et de réglementations ; à cette époque se distinguaient : Les cuisiniers oyers scindés en rôtisseurs et « chaircuitiers » et les saulciers répartis en vinaigriers-buffetiers-moutardiers-distillateurs et maîtres-queux-cuisiniers-porte-chappe, tous évoluant sous le contrôle sanitaire des langueyeurs dans des rôles strictement définis.
Auparavant les repas au quotidien, en dehors du foyer familial, se déroulaient dans « les grandes maisons aristocratiques ou bourgeoises » pourvues d’un personnel qualifié plus ou moins nombreux dont les cuisiniers, mais sinon la plupart des voyageurs se résignaient à des auberges, estaminets, gargotes tavernes souvent louches et peu fréquentables où se dressaient des tables d’hôtes au rituel particulier : un plat unique roboratif souvent de piètre qualité posé au centre de la table dans lequel chacun se servait à son rythme… et mieux valait être assis au centre et avaler rapidement … car à la fin chacun payait son écot à l’identique. De cette période demeure l’expression « qui dort dîne » car la chambre était subordonnée à la prise du repas.
Le terme « restaurant » tire son origine du bouillon restaurant utilisé la première fois par un dénommé Boulanger – peut être le même que le sieur Champ d’Oiseau avec lequel il en partagerait la paternité selon les historiens de l’époque. En 1765 en sa taverne rue des poulies à Paris, il introduit dans son bouillon un pied de mouton, provoquant l’ire de la corporation des traiteurs détentrice du monopole d’inclure de la viande dans les bouillons. S’ensuivit un procès dont il est difficile, selon les historiens, de connaître le verdict mais il semble bien que les traiteurs furent déboutés. La devise de son office « Venite ad me… ego restaurabo vos » fit la fortune du néologisme d’alors qui signifiait revigorant, rétablissant les forces… A la suite de ce précurseur, les
restaurants vont se multiplier, affranchis des contraintes légales archaïques, pour se compter à plus de 500 en 1820 et 1400 en 1850 dénombrés par Théodore de Banville.
À sa suite, de nombreux établissements virent le jour à la faveur de la disparition des corporations sous le coup des lois promulguées par Turgot, laissant le champ libre à l’initiative personnelle. Parallèlement, issus de maisons bourgeoises mais surtout des palais aristocratiques, des cuisiniers s’émancipèrent de l’anonymat de leurs services, s’affranchirent de la domesticité pour se donner un nom, une identité. Le premier Antoine Beauvilliers (1754-1817) ancien cuisinier de la maison de Monsieur, frère du Roi, comte de Provence, futur Louis XVIII définit déjà les codes de nos grands restaurants actuels. Il connut un destin hectique mais pour l’histoire demeure le premier « grand chef » à ouvrir au Palais Royal son restaurant de luxe (1787) : avant de diriger la Grande Taverne de Londres rue Richelieu. Méot, Very, Balaine lui emboîtent le pas créant des établissements renommés : Les Frères Provençaux, Le Rocher de Cancale…. Fait essentiel, la table d’hôte disparaît de ces établissements pour faire place à des tables individuelles et au menu unique des auberges se substituent désormais des plats personnalisés qui bientôt sous l’impulsion de Grimod
de la Reynière seront désignés par un nom de baptême uniformisé pour la connaissance de tous et s’offrant ainsi à la comparaison…
A suivre 2ème partie et bibliographie…
Jacques Gauthier
jchm.gauthier@orange.fr