Contexte
Depuis plusieurs l’années, le Sacubitril-Valsartan, une association d’un antagoniste des récepteurs de la néprilysine (ARNi) associé à un ARA2, a prouvé son efficacité dans le traitement de l’insuffisance cardiaque à FEVG altérée, quelle que soit la cardiopathie sous-jacente.1 Sa place dans l’arsenal thérapeutique de l’insuffisance cardiaque est appuyée par les recommandations européennes et américaines dans ce domaine.2,3
Plus récemment, le Sacubitril-Valsartan n’a pas réussi à montrer de bénéfice clinique dans l’insuffisance cardiaque symptomatique à FEVG préservée.4 Son effet était graduel avec la diminution de la FEVG : plus les patients présentaient une dysfonction ventriculaire gauche importante, plus le traitement améliorait le pronostic en termes de décès de cause cardiovasculaire ou ré-hospitalisations pour insuffisance cardiaque. Il est à noter que la population de patients étudiées dans l’étude pivot PARADIGM comprenait principalement des patients porteurs de cardiopathies ischémiques (60% environ). C’est donc dans ce contexte qu’a été imaginée l’étude PARADISE-MI.5
Cet essai clinique financé par NOVARTIS© avait pour but d’évaluer l’intérêt d’un traitement par Sacubitril-Valsartan en post infarctus du myocarde immédiat, compliqué d’une dysfonction ventriculaire gauche.
Méthodologie
L’essai PARADISE-MI est un essai clinique international (41 pays), randomisé en double aveugle incluant des patients entre 0,5 et 7 jours après leur admission pour un infarctus du myocarde. Ils étaient randomisés ensuite dans le bras Sacubitril-Valsartan ou dans le bas
Ramipril. Les patients devaient présenter :
– Une dysfonction VG avec une FEVG ≤ 40%
Et au moins un autre facteur de risque de décès ou insuffisance cardiaque parmi les suivants :
– Age ≥ 70 ans
– DFG estimé < 60mL/min/1,73m2
– Diabète
– Antécédent d’infarctus du myocarde
– Fibrillation atriale
– FEVG < 30%
– Stade Killip ≥ III
– Syndrome coronaire aigu avec sus décalage du segment ST non revascularisé.
Les patients avec une insuffisance rénale sévère (DFG < 30mL/min/1,73m2), une insuffisance cardiaque préexistante ou une instabilité hémodynamique étaient exclus.
Le critère de jugement principal était un critère composite de la mortalité cardiovasculaire, les hospitalisations pour insuffisance cardiaque et le traitement ambulatoire d’une insuffisance cardiaque.
Population de l’étude
Cette étude a donc inclus 5 669 patients de 495 sites dans 41 pays (en Europe, Amérique du Nord et Asie principalement). 5 661 ont été randomisés dans chaque bras et suivis pendant 23 mois (durée médiane). Les deux bras comportaient des populations de patients similaires (64±12 ans, 24% de femmes, 75% de caucasiens). Les patients ont été inclus en moyenne (± écart type) à 4,3±1,7 jours de l’admission. Dans trois quarts des cas, l’infarctus était en lien avec un syndrome coronaire aigu avec sus décalage du segment ST (dont 88% étaient revascularisés par angioplastie), la plupart du temps dans le territoire antérieur (68%). La FEVG moyenne était similaire dans les deux groupes (à 37±9%).
Résultats sur les critères de jugement
Après un suivi médian de 2 ans, le critère de jugement principal est survenu de manière moins fréquente dans le groupe Sacubitril-Valsartan (-10%) sans atteindre le seuil de significativité (HR 0,90 [95% CI 0,78-1,04], p =0,17). En analysant la mortalité cardiovasculaire, la mortalité toute cause ou les hospitalisations pour insuffisance cardiaque isolément, on ne retrouvait pas non plus de différence significative entre les deux traitements.
Ces résultats étaient similaires dans tous les sous-groupes sauf dans celui des patients de plus de 65 ans et ceux qui avaient bénéficié d’une angioplastie à l’admission où l’on retrouvait un bénéfice en faveur d’un traitement par Sacubitril-Valsartan. Par ailleurs, en prenant la totalité des évènements composant le critère de jugement principal (premier épisode ou récidive), on retrouvait un bénéfice en faveur du Sacubitril-Valsartan avec une réduction des évènements de 21% (RR 0,79 [95% CI 0,65-0,79], p=0,02).
Effets indésirables
Le profil de sécurité du Sacubitril Valsartan était satisfaisant avec toutefois un peu plus d’hypotension artérielle dans ce bras que dans l’autre (28.4% vs. 22.0% dans le bras Ramipril). A contrario, la toux et les perturbations du bilan hépatique étaient plus fréquentes dans le groupe Ramipril. On ne retrouvait pas de différence sur la fréquence de survenue de l’angioedème, l’hyperkaliémie ou l’aggravation de la fonction rénale entre les deux bras.
Conclusion
Cette étude a exploré le bénéfice clinique du Sacubitril/ Valsartan parmi les patients ayant une FEVG altérée ≤ 40% en post-infarctus très précoce (introduction dans les 7 jours post infarctus). Malgré le nombre important de patients et le suivi de 2 ans, les analyses n’ont pas permis de montrer une différence significative entre ce traitement et le Ramipril en termes de décès cardiovasculaires ou hospitalisations pour insuffisance cardiaque (mais pourtant un taux d’évènements numériquement plus bas dans le bas Sacubitril/ Valsartan).
La tolérance et la sécurité du Sacubitril/Valsartan dans ce contexte était par ailleurs similaire au Ramipril avec un signal en faveur d’un bénéfice de ce traitement sur le nombre total d’évènements (incluant les récidives).
Il est à noter enfin que la mortalité de l’insuffisance cardiaque était estimée, dans les années 1990 à 30% à 3 ans, puis 20% sous Valsartan ou ARA2 et enfin 10% sous Ramipril après 2000. Au vu de ces progrès thérapeutiques, prouver un bénéfice clinique net dans l’insuffisance cardiaque devient donc de plus en plus difficile !
Orianne Weizman, Nancy
Cordiam n°40, JUIN – JUILLET 2021